Une pièce audacieuse autour de l’homosexualité et du spectre du SIDA
Jeffrey, ce fut d’abord une petite vraie commotion dans la sphère théâtrale new-yorkaise des années 1990, un grand succès public relayé par des critiques enthousiastes des journaux de référence – l’adaptation cinématographique, objectivement médiocre, n’a pas eu le même succès.
La pièce traitait, très audacieusement pour l’époque de l’homosexualité et du spectre du SIDA, avec un ton qui oscille entre badinage romantique et gravité : elle raconte l’histoire d’un jeune comédien, travaillant comme serveur pour gagner sa vie, qui finit par se lasser d’expériences infructueuses avec d’autres garçons et décide de renoncer à la sexualité. Et puis, argument dramatique classique : sarésolution est contrariée par l’expérience puisqu’il tombe alors, dans une salle de sport, sur son idéal masculin. Lequel est séropositif…
Jeffrey, c’est d’abord une des expressions les plus symptomatiques du mouvement d’émancipation de la conscience gay des années 90 : une conscience qui, en plus d’assumer ses inclinations, ses désirs, son mode d’existence, devait aussi composer avec un terrifiant sentiment de tragique. Ce mouvement est donc aussi celui où, dans la culture, volent en éclats un certain nombre de clichés hystéro-épicuriens.
C’est par exemple à cette époque qu’est projeté sur les écrans, dans une veine britannique, tout en pudeur et en raffinement, le bouleversant Peter’s friends de Kenneth Brannagh, beau à chialer. Quoiqu’elle tourne autour de l’homosexualité et de la maladie, l’histoire de Jeffrey aborde encore et surtout l’abstinence volontaire, sujet très rare, tabou même sur lequel Sophie Fontanel avait signé un joli roman voilà deux ans (L’Envie, Robert Laffont, 2011) et qui nécessite là encore des trésors de subtilités pour ne pas ressembler à une décision un peu grotesque.
La mise en scène de Stéphane Henriot, dans un espace serré et dépouillé, met le curseur sur le versant comédie de la pièce – réactualisée – et joue beaucoup du contraste entre une énergie dramatique très soutenue et la fragilité de Jonathan Demay, qui incarne très bien le jeune gay parisien actuel.
Jeffrey, A la Folie Théâtre , Jusqu’au 23 mars 2013
Mise en scène de Stephane Henriot
Avec Jonathan Demay , Alexandre Geoffroy, Jérôme Sanchez, Arnaud Chandeclair, Solène Gentric,
Fabrice Perret, Louis Delafon, Stephane Henriot