Cette autrice parisienne, moitié jumelle du duo rap Orties, déclame un bref poème « pour un futur respirable », où « ni ta mère ni ta sœur ne seraient bafouées », où « ni ton père ni ton frère ne connaîtraient les baffes et le fouet ».
« Il avait le droit de te baiser, sous-entendu qu’il s’appelait truc merde, qu’il était habillé d’une chemise blanche impeccablement repassée, qu’il dirigeait des gens au sein d’un prestigieux journal et qu’il gagnait bien sa vie. Et toi, qui venais de banlieue, qui avais fait du rap, qui t’étais montrée peu farouche dans des vidéo clips, tu ne pouvais qu’admettre, te soumettre. Il disait : – C’est bien toi, prise dans les phares d’une voiture en mini-jupe ? Il n’avait retenu que ça. Son exemple était révélateur : il te considérait comme une victime, il n’avait rien compris à ta chanson. Son plan était simple : il te passerait dessus et ensuite il proposerait ton livre à la fille qui gère la rubrique littéraire du journal. Le problème, c’est qu’il l’avait déjà baisée, la fille. »
Dans La Colère, son second roman paru à la rentrée aux éditions Stock, Alexandra Dezzi, 31 ans, observe avec amertume les relents mortifères du patriarcat ordinaire et transpose, dans une fiction où les mâles ne sont plus que des numéros, via la répétition d’un « combat des corps » faussement compensatoire, le viol qu’elle a subi il y a près de dix ans, « pareil à une hémorragie interne ».
Moitié du duo rap Orties, créé à 19 ans en 2009 avec sa sœur jumelle du côté de Bures-sur-Yvette (Essonne), Alexandra se fit d’abord connaître sous le pseudo de Kincy, inséparable de son binôme surnommé Antha, buissons ardents d’un hip hop gothique et sexy errant dans le « Paris pourri », remarqué par Christophe qui les invita sur l’album Les Vestiges du chaos, immortalisé le temps d’une séquence de danse dans Grave, le thriller cannibale de Julia Ducournau.
En attendant les nouveaux sortilèges des frangines énervées, Alexandra Dezzi déclame ici un poème bref « pour un futur respirable », où « le viol appartiendrait au vieux monde, comme tous les crimes et les châteaux de sable », où « ni ta mère ni ta sœur ne seraient bafouées », où « ni ton père ni ton frère ne connaîtraient les baffes et le fouet ». Balance ton porc par-dessus bord.
Image : Millenium – Les hommes qui n’aimaient pas les femmes, de David Fincher (2011).