Le virage incroyable des artistes parallèles, ou quand l’underground vire au classicisme
Nous commençons à le savoir : il y a bel et bien un art officiel, institutionnalisé, lissé, clair et logique, entre les mains d’universitaires, de politiques et, disons-le, d’une classe sociale dominante, par réseau de pouvoir, d’argent, et de relations.
Mais nous le savons aussi, une autre expression fourmille, est en perpétuelle ébullition, mais n’apparaît que ça et là, par le biais d’amateurs, de passionnés ou de circuits parallèles .
On appelle ces œuvres underground, marginales, brutes, naïves, pornographiques, gothiques, inclassables, décalées, etc… Car elles n’entrent dans aucune catégorie.
Ces œuvres sont autant de réactions d’artistes vis-à-vis du monde, de la société institutionnalisée, des lois, des interdits, des conventions sociales ou morales.
Leur style varie de l’expressionisme à la miniature, mais il est toujours figuratif, précis, presque léché, et peut aller du neo free press comics US, parfois trash ou punk, jusqu’à des références aux grandes écoles d’art de l’histoire (primitifs flamands, hyperréalistes, gravures romantiques, pré-raphaélites, surréalistes…).
Cet art intimiste, totalement personnel à chaque artiste, est d’abord un monologue intérieur, une nécessité de tracer d’autres modèles, des produits qui ne se trouvent pas dans le monde extérieur balisé.
Ces œuvres précieuses et raffinées sont la tentative un peu désespérée d’individus qui ont du mal à se plier aux règles, même esthétiques, et qui se retrouvent à tracer des formes autres, des figures inconnues, des situations scabreuses ou impossibles, tendant toutes (consciemment ou non) à élargir notre conscience, notre goût, nos désirs secrets…
Le fait d’être ignorés des médias et du grand public a peut être poussé certains à se lancer dans des tableaux « à l’ancienne », à l’exécution virtuose, au fini précieux et léché.
De l’underground au classique
Des références à la Renaissance, aux primitifs, et même à Jérôme Bosch, Grünewald, Hans Holbein ou Brueghel (John Brophy & Mike Davis, respectivement sur la photo ci-dessus) viennent comme une apothéose à cette démarche..
L’influence de David Lynch époque « Eraserhead », effleure l’œuvre de Chris Mars..
Enfin, Joe Coleman traite son « Americana » comme des Mandalas tibétains, népalais ou hindous, avec des vignettes, des cadres et des sous-cadres, des cheminements et des tonnes de petites images et portraits à l’intérieur d’architectures globales, comme des plans ou des cartes d’école, des planisphères de son monde à lui.
Le tout délicatement peint à la loupe, comme des miniatures mogholes, mais avec un côté icône des grands mystiques orthodoxes, grecs ou russes , avec des tons précieux et chatoyants !!
Un des grands précurseurs de cet art underground ultra-raffiné fut Mati Klarwein (image d’ouverture de l’article) qui, des Baléares ou il vivait (à Palma de Majorque, sur les hauteurs de Deia), nous fit voir, dés les années 70 ces vénus ethniques dans les paysages de Majorque, ressemblant à des tissus cachemire ..
On le trouvait sur les pochettes de disques, rayon psychédélique, mais ces toiles contenaient de tels détails et finesses que l’on pensait à Salvador Dali, sous la même latitude, plus à l’est, et à ses visions fantastiques sur mer et plage de Cadaquès..
Après en avoir discuté avec Coleman et Brophy, je me demande encore si cette vocation de faire des toiles aussi impressionnantes ne vient pas de la lassitude d’être toujours mis à part, en marge de l’art officiel : l’execution ultra-classique pour marquer les spectateurs.
* Une partie de cette école (de peinture) se retrouve à la Halle Saint Pierre .
2 Rue Ronsard . 75018 . Paris . Du 25 janvier au 23 aout 2013-.
Expo « Modern Art et Pop Culture »(part.2)