Le dernier né de la littérature 2.0
11h sur Nova : l’heure des mutations culturelles et autres syndromes des années 10. Et hier, il était question du Mercoeur, roman construit en temps réel sur tumblr, version 2.0 des feuilletons du 19ᵉ siècle…
Au XXIe siècle, on commence à le savoir, le roman se réinvente.
Outre la fameuse twittérature dont on vous parle régulièrement, se multiplient depuis quelques années les initiatives d’écriture collective en crowdsourcing – littéralement « la ressource part la foule », quand, pour continuer dans les métaphores liquides, chacun apporte de l’eau au grand moulin de la littérature. Même Philippe Roth, qui a pourtant mis un terme il y a peu à sa carrière d’écrivain, s’y est mis : il est en train de co-écrire une nouvelle avec Amelia, 8 ans, fille de l’un de ses amis, au rythme d’un paragraphe chacun.
Dans la lignée de ces romans collaboratifs 2.0, on peut citer le projet lancé en 2009 par l’émission de TF1 « Au Field de la nuit » : un polar interactif, sur le modèle d’un cadavre exquis. « Que feriez-vous si vous vous réveilliez dans une pièce inconnue et totalement emmurée, avec, pour seul moyen d’appeler à l’aide, un ordinateur portable ? » Le résultat est publié chez Pion.
Mais il n’y a pas que le crowdsourcing dans la vie. Certains n’y croient pas, ou n’aiment tout simplement pas partager la plume. Pour autant, ils comptent bien tirer profit du potentiel de nouvelles technologies : c’était par exemple le cas de la romancière Silvia Hartmann, qui a terminé en novembre son roman The Dragon Lords écrit… sur Google Doc, permettant ainsi à ses lecteurs de suivre le processus d’écriture et même de le commenter, espérant influer sur le cours de l’œuvre en construction.
Dans la même optique, quoique moins participatif, voici Mercoeur, roman construit en temps réel lancé par le jeune Charles Flamand sur Tumblr. Rendez-vous chaque dimanche pour retrouver la suite de l’histoire : Mercoeur constitue une sorte de roman-feuilleton comparable à ceux qui paraissaient dans la presse du XIXe siècle, à cette différence près que l’auteur profit de tous les médias sociaux pour interagir avec son lectorat.
« Je me suis aperçu que le genre du feuilleton, tout comme celui des séries, était particulièrement adapté pour faire émerger l’écriture et la littérature sur Internet. Tout d’abord parce qu’il y a l’idée d’un rendez-vous récurrent entre le texte et ses lecteurs. Ensuite, parce que le texte se construisant par ellipses de semaine en semaine permet de délinéariser la lecture. Lire sur internet devient tout de suite moins long, moins fastidieux, juste plus facile », explique Charles Flamand.
Pas de ressentiment envers la lecture traditionnelle dans cette nouvelle forme de littérature numérique, et au contraire : ce Mercoeur est presque nostalgique du papier, réintégrant ses codes visuels à nos écrans, s’attachant à l’objet-livre dans ses premiers chapitres.
Une réconciliation paradoxale ou visionnaire, c’est selon. Ce qui est sûr, c’est que le résultat est tellement bien que vous allez vouloir l’imprimer !