Rencontre avec un futur grand de la scène hexagonale
Vendredi dernier, 21h. L’éternelle question des vendredis soir se pose : que faire de sa soirée ? Entre la fatigue de la semaine et l’envie de fêter ces deux jours de liberté, le corps et le coeur balancent… Eh bien en ce qui me concerne, la question fut vite tranchée : et si j’allais faire un tour du côté de la Snatch Party organisée par nos amis de Snatch Mag ? Il faut dire que line-up est alléchant : Tourist, Danger et même l’étoile montante Sinjin Hawke. Mais c’est avec une autre idée derrière la tête que je me dirige vers le Club Haussmann. Ma star de la soirée à moi, c’est Dream Koala.
Vous n’avez pas encore entendu parler de lui ? Pourtant, il est partout. 18 ans à peine, son bac passé l’année dernière, et déjà un talent impressionnant. Des productions délicates, atmosphériques, léchées, “chillwave” paraît-il. Deux EP au compteur, dont “Blur” qui l’a propulsé vers la lumière : le petit fait le buzz, et se retrouve aux côtés de Flume à la Boiler Room six mois à peine après son premier concert.
Dreadlocks dans la figure et guitare en bandouillère, il tripote ses machines devant une salle à moitié vide, mais parvient tout de même à réchauffer les coeurs : il faut dire qu’un mec qui fait DJ, musicien et chanteur en même temps, on n’a pas souvent vu ça.
Je ressors de son set avec une furieuse envie d’en parler sur Nova : ni une ni deux, on organise une petite interview. Il s’y présente tout sourire, sa copine à ses côtés – la même qu’il ne peut s’empêcher de placer dans toutes ses interviews (ici par exemple, ou encore là, et il en a même parlé à la Boiler Room). Dream Koala est amoureux et c’est franchement craquant. [les commentaires entre crochets sont d’elle, ils sont rigolos alors j’ai décidé de ne pas les couper au montage].
Rencontre donc avec un drôle d’animal, Yndi Da Silva de son vrai nom, presque gêné de devoir me parler de lui.
Question ouverte : qui est Dream Koala ?
Alors… euuuh… attends je me sers un verre d’eau (rires). Ce n’est pas tout à fait moi. Enfin, c’est moi en partie… (rires, encore). Dream Koala, c’est ma musique, mon humeur, les choses que j’apprécie… [C’est pas très clair ce que tu racontes, je t’ai connu meilleur !]
Aujourd’hui tu donnes plutôt dans le calme, mais il paraît que tu as commencé dans un groupe de métal ?
Oui tout à fait ! Je jouais dans I the omniscient, un groupe de potes de lycée… On écoutait tous les mêmes groupes de métal, alors on a décidé de monter notre propre truc. Je jouais de la guitare et je composais avec l’autre guitariste. On a sorti un EP en free download, qui a eu de bons retours d’ailleurs, mais c’est pas allé plus loin que ça. Quelques concerts aussi, mais rien de bien sérieux, c’était surtout pour les potes et le fun ! [Je te préviens, c’est assez agressif…]
Je t’ai vu en septembre à la Favela Chic pour ton premier live, tout timide et un peu impressionné ; moins de six mois plus tard te voici à la Boiler Room. Mais que s’est-il passé entre temps ?
Énormément de choses, et en peu de mois ! J’ai rencontré mon manager, mes tourneurs ; j’ai évolué musicalement aussi, j’écoute d’autres trucs, j’ai d’autres techniques pour enregistrer, je me retrouve en studio alors que je faisais tout dans ma chambre… Mon manager a beaucoup aidé, mais les choses se sont surtout faites grâce aux gens sur Internet. Dès que je balance quelque chose sur Soundcloud, ils écoutent, ils partagent, en parlent à leurs potes… Ça crée de l’activité assez naturellement, sans que j’aie grand chose à faire. Bien sûr il y a quand même des professionnels derrière, mais par rapport à la majorité des artistes qui ont vraiment besoin d’un label, d’une équipe pour que ça marche, j’ai eu de la chance.
Un mec qui connaissait le mec de la Boiler Room lui a parlé de moi… Et voilà !
T’es en train de me dire que tu n’as même pas eu besoin d’aller chercher, tout est venu à toi ?
C’est surtout des gens qu’on me présente, d’autres qui me contactent sur Internet ou que je croise dans loges … Ça marche comme ça depuis septembre. Pareil pour la Boiler Room : un mec m’a demandé via internet de faire des beats pour un autre, que j’ai croisé à Londres, qui connaissait le mec de la Boiler Room, qui lui a parlé de moi … Et voilà !
En décembre dernier, on a interviewé Myth Syzer sur Nova, et il racontait quand même que tu l’as presque harcelé pour qu’il écoute tes sons !
(rires) Ben oui, j’écoutais beaucoup ses sons, et puis j’ai appris qu’il était de Paris. Je lui ai envoyé des messages, puis je suis allé le voir à la Favela Chic pour lui parler. Après avoir écouté ce que je faisais, il a finit par me proposer de collaborer ! J’ai donc fait un featuring son son EP, on s’échange des trucs, je l’ai fait jouer à ma résidence (La Zuluzulu du Social Club, ndlr). On est potes maintenant, mais au début j’étais juste un fan qui le faisait chier pour qu’il écoute ma musique !
Pour en revenir à la Boiler Room, qu’est-ce que ça t’a apporté en terme de visibilité ?
Beaucoup ! Ça fait moins d’un mois (son passage date du 23 janvier, ndlr), et suite à ça j’ai gagné beaucoup de followers sur Soundcloud, de likes sur Facebook. Les écoutes sur mes tracks ont explosé : en deux semaines, mon dernier morceau a récolté 50 000 écoutes ! Plusieurs labels m’ont contacté, mais j’attends un peu pour en parler… Et surtout, quand mon manager va démarcher quelqu’un, on a beaucoup plus de crédibilité.
Tu me disais tout à l’heure que tu étais en studio toute la journée, c’est ça la journée type de Dream Koala aujourd’hui ?
Ah, pas encore ! Pour l’instant, je fais toujours presque tout chez moi et tout moi-même, et j’ai l’intention de continuer comme ça. Là je travaille avec Vicarious Bliss d’Ed Banger, j’étais dans son studio pour enregistrer un mix. Ça change de bosser en studio, ça donne tout de suite un cadre plus professionnel. Mais je me permet quand même de faire comme à la maison ! [Manger des gâteaux et mettre des miettes partout, quoi !]
Venons-en à tes références musicales. Si tu ne devais citer que trois noms, ce serait qui ?
James Blake, Flying Lotus et… Si j’en cite que trois, je vais avoir l’impression de tromper les autres ! Bon, disons Deftones. Dans un autre genre, mais je suis obligé de les citer, ils ont beaucoup compté dans ma vie.
La comparaison avec Flying Lotus revient souvent, ça doit te faire plaisir ?
Forcément ! D’un côté, je l’ai tellement écouté ce qu’il fait que j’espère que ça ne veut pas dire mauvaise copie… On m’a dit plusieurs fois My Bloody Valentine aussi. Mais qu’on me compare à Deftones, ça arrive moins souvent !
Le côté lent de ma musique vient probablement de la bossa qu’écoutaient mes parents
Tu as des origines brésiliennes, est-ce que ça t’a influencé musicalement parlant ?
Dans toutes les familles brésiliennes, on écoute énormément de musique à la maison. Là en plus, mes parents sont musiciens, donc forcément… J’aime beaucoup João Gilberto, Djavan aussi, mais au final, j’écoute peu de musiques brésiliennes. Inconsciemment, le côté un peu lent de ma musique vient peut-être de là, de la bossa qu’écoutaient mes parents. Ça y est sûrement pour quelque chose.
On t’associe souvent à la mouvance chillwave, tu approuves ?
Mon premier EP sorti en septembre 2011 (Dream Koala, paru en septembre 2011, ndlr), était très chillwave. Je commençais à toucher mon ordi, à mettre des synthés un peu partout… À l’époque, c’était encore un side project mais depuis que je me suis mis plus sérieusement sur Dream Koala, ça me surprend un peu qu’on me rattache toujours à ce style. Pour moi, un bon artiste doit surtout réussir à développer son propre style, c’est ce à quoi je travaille tous les jours. Mais de toute façon, les gens essaieront toujours de te rattacher à quelque chose …
Quels sont tes projets à venir ? De nouvelles orientations, un album, des collaborations ?
Pour l’instant, je suis en train chercher un label avec qui travailler, on discute avec plusieurs personnes. Mais je compte encore sortir plusieurs EP et remixes, et surtout continuer les concerts. Mon premier album, je veux en être fier, qu’il soit meilleur que ce que je fais aujourd’hui, vraiment trouver un style qui m’est propre. Et il faut encore du travail ! Niveau collaborations, je prépare un featuring avec Myth Syzer et un autre avec Beat Culture.
Un peu de fiction à présent : dans 10 ans, si tout se passe exactement comme tu le veux, où seras-tu ?
Wow, j’aurai 28 ans ! (rires). Je serai à Los Angeles, à traîner avec les mecs de Brainfeeder, Flying Lotus, tout ça. J’aurai un appart à Berlin aussi. Tranquille. J’aurai fait une prod pour Drake et Explosions In The Sky m’auront demander de les remixer. Je ferais bien du management d’artistes aussi, repérer des jeunes pousses et les aider à se faire connaître. Ca me paraît pas mal déjà !
Dans 10 ans ? Je traînerai avec les mecs de Brainfeeder à Los Angeles !
Hors-sujet : il paraît que tu es végétarien, dois-je y voir une raison pour laquelle tu as choisi un nom d’animal ?
C’est marrant que tu me demandes ça, on ne m’a jamais posé la question ! A vrai dire, j’ai trouvé le nom de Dream Koala pendant l’été 2011, et c’est à la même époque que j’ai arrêté de manger de la viande. Donc peut-être que ça a inconsciemment influencé mon choix. Un animal herbivore en plus. Rien de volontaire en tout cas, mais du coup je me dis qu’il doit y a un lien inconscient dans tout ça !
Beaucoup d’inconscient chez Dream Koala donc.
Ouais, je suis un peu dans la merde avec mon inconscient.
Un mot de la fin, un message à faire passer ?
Merci d’avoir pris le temps de lire l’interview jusqu’au mot de la fin ! (rires) Je voudrais juste dire à celles et ceux qui ont envie de faire de la musique que c’est possible, qu’on peut très bien sortir de nulle part et finir par rencontrer des gens super. C’est pas juste un rêve, si on se donne les moyens et qu’on se trouve au bon endroit au bon moment, c’est possible.
Il faut un peu de talent quand même, non ?
Il faut surtout avoir quelque chose à dire. Je ne pense pas être quelqu’un de super talentueux [Ohlala, n’importe quoi !], je fais quelque chose d’assez commun, je n’ai jamais travaillé comme un fou. Il suffit d’avoir une vision des choses à exprimer, une personnalité, et c’est parti ! C’est le plus important.
C’est sur ces sages et humbles considérations que j’ai donc laissé Dream Koala, confortée dans mon impression d’avoir mis le doigt sur un musicien aussi cool que talentueux. Ecoutez-le, suivez-le, faîtes vous des câlins sur son Blur EP, parce qu’on vous promet que ce jeunôt a tout d’un futur grand.