La nouvelle comédie italienne réconcilie les codes tout en douceur. En salles ce mercredi
Scialla ! se traduit plus ou moins en français par « Cool! » mais sonne comme le Yalla ! de Soeur Emmanuelle. Aller en avant vaille que vaille. C’est justement le souci d’unpersonnage central du film de Francesco Bruni : il s’est arrêté, presque en plein vol.
Bruno, cet ancien prof puis écrivain vivote en donnant des cours de soutien scolaire ou en écrivant sur commande des biographies de semi-people. En résumé, son job est d’embellir la vie des autres alors que la sienne stagne et qu’il s’en contente. Jusqu’à ce qu’une de ses anciennes conquêtes lui révèle que Luca son fils, un lycéen un peu branleur, est aussi le sien et qu’il serait temps qu’il s’en occupe.
Ca tombe bien, elle doit partir travailler en Afrique et n’avait personne à qui le confier.
Depuis des années, dès qu’un film transalpin à peu près potable se lance sur le terrain du doux-amer, on dégaine l’argument du retour à la grande comédie italienne. Scialla ! est plus malin que ça en assumant un statut plus humble, mais loin d’être négligeable : celui du feel good movie.
Ce ton, badin en apparence, permet d’éviter d’emblée tout moralisme, tout discours plombé sur une jeunesse italienne qui foutrait le camp parce que les parents ne leur ont pas donné de socle de valeurs solides. Bruni a la politesse de ne jamais sortir les violons, encore moins la mandoline pour raconter son histoire de paternité sur le tard.
La bonne idée de Scialla ! est justement de mettre sur un pied d’égalité ce père et ce fils, aussi immature l’un que l’autre, entre vie d’ado très attardé pour le premier et ambition de devenir caïd de cité pour le second.
Si l’on entend quelques morceaux de rap italien dans Scialla !, ce film s’apparenterait plutôt à une certaine variété italienne de qualité des années 80; aux côtés nonchalants de morceaux d’Adriano Celentano ou de Lucio Dalla, ces chansons qui avaient l’art d’être en apparence faciles mais en fait assez subtiles sur l’air du temps. La jolie musique personnelle de Scialla ! est là, dans cette fausse simplicité, ce faux air détaché des choses alors que Bruni, du blues de l’ex-porn star dont Bruno rédige la bio aux fanfaronnades infantiles de Luca en passant par les maladresses de son père, exprime en fait l’Italie du moment, celle qui ne sait plus trop où elle en est.
Celle où on a des rêves désormais modestes parce qu’on a plus les moyens d’en avoir des grands. Mais aussi celle où les gangsters se rappellent qu’on leur a enseigné un certain art de vivre. Celui de Scialla ! est prêt à éclater la gueule à qui s’approche trop près de son business mais sait tout autant disserter sur Pasolini ou les tableaux de Schnabel.
D’ailleurs, Flilippo Scicchitano, l’interprète de Luca a quelque chose d’une version moderne des ragazzi qu’aimait filmer Pasolini, ces gamins des rues, à la fois rustres et séduisants, gouailleurs et sexy en diable. Fabrizio Bentivoglio est lui aussi nickel en incarnation d’une génération précédente d’intellectuels désabusés.
Mine de rien Scialla ! réconcilie ces deux mondes en collant ce père et ce fils sur une vespa, mais en douceur, en passant par une inattendue tendresse. Si on y ajoute une véritable drôlerie, alors oui, il y a de quoi affirmer que sans révolutionner la comédie italienne, Francesco Bruni en a signé une vraiment cool.