C’était une promesse d’Emmanuel Macron en 2017 : donner un budget culture à chaque jeune sous forme d’un Pass Culture en lien avec les musées, librairies, salles de spectacle partout en France. Presque six ans plus tard, la Cour des Comptes fait le bilan… et ce n’est pas fameux. Le Pass Culture produit l’inverse de ce qu’il avait promis, en creusant les inégalités qu’il est censé corriger.
Emmanuel Macron en avait fait l’une des grandes promesses de sa campagne en 2017 : allouer un budget culture à chaque jeune sous la forme d’un Pass Culture.
Le Pass Culture : démocratiser la culture ?
Pour rappel, le Pass Culture, sorte d’hériter des chèques culture, consiste à inciter les jeunes de 15 à 18 ans à consommer de la culture, en leur donnant 300 euros. Une somme qui peut être dépensée sur une application afin de réserver des concerts, spectacles, et autres événements, mais aussi d’acheter des livres, mangas, BD, des tickets pour entrer au musée… Le montant du Pass Culture tombe à 30 euros pour les jeunes de 16 et 17 ans, et à 20 euros pour les jeunes de 15 ans. L’objectif du dispositif : démocratiser la culture, en donnant à tous les moyens d’y accéder, grâce à une aide financière et un accompagnement pour donner des idées aux jeunes qui ne se sentent pas concernés… Sauf que, dans les faits, il semblerait que le Pass Culture reproduise plutôt les inégalités sociales.
Pour la Cour des Comptes, un dispositif qui “laisse de côté une partie des publics moins familiers des pratiques culturelles”
La Cour des Comptes a publié ce mardi un rapport qui dresse un “premier bilan” particulièrement sévère de l’utilisation du dispositif. Selon ce document, le Pass Culture “laisse de côté une partie des publics moins familiers des pratiques culturelles”. Bien que 84% des jeunes âgés de 18 ans aient activé leur Pass, ce chiffre tombe à 68% si isole les jeunes de classes populaires. D’après le rapport de la Cour des Comptes : “Le principal impact du Pass culture se traduit plutôt par une intensification des pratiques culturelles déjà bien établies, ce qui contribue à confirmer le risque d’effet d’aubaine de son utilisation par des jeunes disposant déjà, notamment par leur environnement familial, d’un capital culturel plus élevé”. Ce qui veut dire donc que les jeunes qui allaient déjà au théâtre y vont toujours, mais il s’avère qu’avec le Pass Culture, la place est gratuite cette fois… Surtout, celles et ceux qui n’y ont jamais mis les pieds n’y vont pas plus qu’avant.
244 millions d’euros dépensés, pour des résultats insatisfaisants
Le phénomène a été prouvé : alors que l’application du Pass Culture est censée être un portail de découvertes culturelles, près de 90% des réservations passent par son moteur de recherche. Le signe évident que les jeunes savent déjà ce qu’ils veulent acheter. Capital culturel on vous dit.
En plus, les usages du Pass Culture ne sont pas particulièrement diversifiés. Ainsi, le dispositif est utilisé pour acheter principalement des livres. Surtout à la Fnac, donc exit les librairies indépendantes… Le spectacle vivant représente, quant à lui, moins de 1% des réservations. C’est un problème, parce que le Pass Culture a couté 244 millions d’euros à l’État français en 2024. Pire, l’enquête de la Cour des Comptes a découvert cette année que 16 millions d’euros ont été “indûment dépensés” pour financer des séances d’escape games “alors qu’elles n’auraient jamais dû être considérées comme pouvant entrer dans le périmètre des offres éligibles sur l’application”.
Conclusion : changer le Pass Culture
Conclusion et message clair du rapport : il faut changer le Pass Culture, et le statu quo n’est pas envisageable. L’affaire est actuellement dans les tiroirs, selon la ministre de la Culture démissionnaire Rachida Dati. Déjà en 2022, le même ministère créait une part collective pour les élèves de collège et lycées, c’est-à-dire un budget géré par leurs professeurs, donc qui bénéficie d’une médiation pour construire une éducation à l’art et la culture… Mme Dati promet en tout cas d’orienter les jeunes vers le spectacle vivant. Quant à la Cour des Comptes, elle exige que l’on adapte le crédit du Pass Culture aux revenus de la famille des jeunes. Affaire à suivre (de très près).