Ils demandent de ne plus dormir dans le froid. Depuis le 10 décembre, les mineurs isolés du Collectif des jeunes du parc de Belleville, pour la plupart réfugiés, occupent La Gaîté Lyrique, qui a suspendu ses activités culturelles trois jours après leur arrivée. Dans le décor de l’exposition « Pulse », le personnel du lieu et ceux qui s’y sont installés attendent que les pouvoirs publics agissent.
Par deux, ils tendent des couvertures grises ou à carreaux qu’ils plient en quatre, avant de les empiler dans un coin du forum de La Gaîté Lyrique, qui leur sert désormais de refuge. Il est dix heures. Les uns derrière les autres, les garçons qui n’ont pas encore pris leur petit-déjeuner attendent patiemment leur tour.
Ces jeunes aux profils et aux personnalités différentes apprennent à cohabiter, réunis par une condition de vie précaire commune. Une situation qui les a menés à rejoindre le même collectif. Encore mineurs, ils ont été obligés de quitter leurs pays et leurs familles. Ils n’ont aucun logement pour les abriter et se sont vu refuser les aides dues aux mineurs, car reconnus majeurs par la mairie de Paris.
C’est à l’étage que les quelque 300 occupants du lieu culturel, situé rue Papin à Paris, écoulent leurs nuits et leurs journées. C’est au rez-de-chaussée qu’ils portent leurs revendications. En bas de l’escalier, qui sépare leur vie privée de leur vie publique, ceux qui veulent s’exprimer rencontrent la presse. Tous demandent la même chose : un respect de leur droit au logement, à la santé et à l’éducation.
Alhassane a 15 ans et ne prend aucun plaisir à rester cloisonné dans La Gaîté Lyrique. Il poursuit : “On ne demande pas grand-chose, juste l’accès à des gymnases pour y dormir la nuit”.
L’auto-gestion au centre de la cohabitation
La vie dans le bâtiment s’est rapidement organisée : distributions des repas financés par les dons, des roulements de sorties, qui restent rares, communication aux médias et mise en place d’assemblées générales devant le bâtiment. “Même pour la distribution de nourriture, ce sont les occupants qui se servent entre eux”, souligne Jeanne, une membre du collectif.
Pendant trois jours, l’exposition Pulse, débutée le 12 décembre, a été maintenue, le public et les mineurs isolés de l’association se côtoyaient. Aujourd’hui, les adolescents se retrouvent plus isolés que jamais, entre les murs d’un bâtiment non adapté pour subvenir à leurs besoins essentiels, notamment sanitaires.
“On en appelle à l’exigence morale de madame la maire.”
Juliette Donadieu, directrice générale de La Gaîté Lyrique, réaffirme la volonté d’accueillir les membres de l’association tant qu’une solution viable n’est pas trouvée par la ville de Paris, en charge de la gestion du lieu. Bien que l’accueil des mineurs engendre des pertes financières, le lieu culturel invoque un engagement moral rendant impossible la mise à la porte des jeunes en plein mois de décembre.
Un dialogue impossible entre la ville de Paris et le gouvernement
La Gaîté Lyrique, sous tutelle avec la mairie de Paris, attend des réponses et des solutions rapides : “on a vu des listes de documents vacants, des solutions existent”, explique la directrice générale.
Une représentante de l’association nous explique leur démarche : investir des lieux culturels dont la gestion relève du secteur public comme moyen d’interpeller à la fois les autorités et la société civile, habituée de ces lieux.
Emma Mendicino et Anouk Ait Ouadda