À l’ère de la post-vérité, gare à celles et ceux qui partagent en commun un savoir sans hiérarchie et accessible à tous. C’est peut-être pour cela qu’Elon Musk déteste autant Wikipédia, qu’il appelle “Wokepedia”. Et il faut croire que le Figaro est plutôt de l’avis du milliardaire d’extrême-droite, puisque le média vient de publier une “enquête” sur ces contributeur‧ices maléfiques à l’encyclopédie participative. Horreur : iels seraient toustes de gauche…
Désolé de vous l’annoncer, en espérant que la nouvelle ne vous secoue pas trop : Wikipédia est tombé aux mains des wokes (ces illuminés qui ouvrent les yeux sur les discriminations racistes, sexistes, les questions de justices sociales et d’inégalités). Voilà à peu près le postulat de cette enquête publiée hier par le Figaro, « «La majorité des contributeurs sont de gauche» : comment Wikipédia a cessé d’être neutre ». Coïncidence : c’est la même accusation que celle d’Elon Musk, qui aime à surnommer l’encyclopédie « Wokepedia« . En même temps, Jimmy Wales, l’un des deux fondateurs de Wikipédia, a été élevé par une enseignante qui bossait en école Montessori, il fallait se douter de la suite. Le Figaro nous parle carrément d’un virage hors de la neutralité après un tournant terrible : la rédaction d’un contenu Wikipédia qui documente la suppression par Elon Musk des comptes X de dix journalistes qui enquêtaient sur lui. Pour le Figaro, c’est « le risque de laisser un espace de production de savoir à la portée de tout le monde : il suffit d’un peu de temps libre devant soi pour en faire un outil militant.«
Un journaliste en croisade contre les « militants trans »…
Nova a fait l’erreur de débutant de s’informer sur Wikipédia, pour s’enquérir de la carrière du journaliste en question : en juin 2023, cette même personne signait un article révélant (sans leur consentement, évidemment) la transidentité de travailleurs à la Haute Autorité de Santé (HAS). Le journaliste assurait que des militants trans auraient « infiltré » la HAS, qui a elle-même porté plainte à la suite de la publication du texte. Forcément, si des militants trans, ou pire, des membres de la communauté LGBT+, ou encore pire, des féministes (!!!!!) se cachent prétendument dans les commités de Wikipédia, ça le gratte. Et selon le ressenti du journaliste, qui a infiltré les conversations de débats entre les contributeurs de l’encyclopédie, ça ne fait pas de doute : toustes des wokes.
Les biais des contributeurs
L’article du Figaro attaque d’abord les biais des contributeurs. Si les faits et les informations qui se retrouvent sur les fiches Wikipédia doivent être sourcés, d’où les milliards de notes de bas de pages, les informations sont tirées de livres et de médias… Et apparemment, faute cardinale, la communauté se méfie un peu plus des articles de CNews et du Figaro que de ceux du Monde ou de Libération. Et l’article de préciser que la plupart des contributeurs sont diplômés de hautes études ou CSP+, encore une preuve que ce sont des gauchistes ! Pire encore, Maryana Iskander, l’ancienne directrice générale de la Wikimedia Foundation aurait même « révélé son adhésion aux théories wokes”, puisqu’elle a questionné le fait que la majorité des contributeurs soient des hommes blancs occidentalisés, qui pourrait ainsi rendre le traitement de l’information biaisé, en ne s’intéressant pas à certains sujets ou en ne cherchant pas à traduire les pages dans certaines langues. Pas du tout intelligente cette remise en question pour tenter d’améliorer l’accès au savoir.
Peut-être nous reste-t-il l’Intelligence Artificielle, avec laquelle s’informent de plus en plus de personnes ? Pas si sûr pourtant : lorsqu’elle ne prenait pas pour modèle des modes de culture nord-américains, l’IA a été épinglée pour des représentations racistes, voire juste de fausses informations.