Les enseignements de la Torah revus façon Do the right thing.
Les voisins de Dieu s’ouvre sur une baston. Avi et ses potes s’approchent d’une voiture d’où sort du gros son. Pas de bol pour le conducteur et ses passagers on est vendredi soir, c’est Shabbat. Ils vont l’apprendre à coup de batte de baseball.
La voiture s’en va, Avi triomphe en gueulant dans la rue « Chers voisins, passez une bonne nuit. A partir de maintenant les vendredis soir seront calmes dans le quartier« . Générique. On y voit les personnages présentés en split screen, marcher dans la rue façon ouverture de Reservoir Dogs.
Uh-oh se serait-on trompé de salle, de film ? Non. Les voisins de Dieu bouscule la parole d’évangile hébreu en racontant le quotidien de loulous portant jogging et kippa, juifs orthodoxes pronant la main dans la gueule des immigrants russes et des arabes comme parole divine. Des petites frappes pas éloignées d’une milice faisant régner l’ordre religieux dans leur téci. Gare aux patrons des commerces qui ne baissent pas rideau en dehors des heures ouvrables, ou aux filles qui s’habillent trop court selon la Torah. Justement c’est lorsque l’une d’entre elles commence à troubler Avi, qu’il se pose des questions sur sa pratique de la foi.
Les voisins de Dieu est un drôle de film casher. Ici, on étudie la parole divine mais on ne crache pas sur un joint. Les rabbins prêchent auprès de la jeunesse à coup de hip-hop hassidique voire de trance music à la gloire de Jéhovah. Et pourtant il n’est question ici que de quête spirituelle, de transfiguration par amour.
La remise en question du judaïsme orthodoxe n’est pas nouvelle dans le cinéma israélien. Cela fait des années qu’il refuse de tendre l’autre joue, ne serait-ce qu’avec les films d’Amos Gitaï (Kadosh) ou la version Mont Sinaï de Brokeback Mountain qu’était Tu n’aimeras point. Les voisins de Dieu ouvre toutefois une voie inédite en tirant vers la chronique urbaine façon Mean streets (se souvenir que Martin Scorsese avant de devenir un dieu du cinéma, fut tenté par une carrière de séminariste), ou vers la comédie de moeurs.
Sans aller jusqu’à dire que Meni Yaesh invente avec son premier film le cinéma de genre théologique, ses personnages de malfrats aussi violents que bigots sont pour le moins innovants.
Cette perfusion vers un cinéma « à l’américaine » est probablement le moyen le plus efficace de montrer les contradictions culturelles d’une communauté religieuse israélienne contemporaine, attachée à des racines traditionnelles mais se reconnaissant dans des stigmates plus internationaux. Avi et ses potes croient autant dans les vertus de la kippa que dans celle des High-Five qu’ils se donnent dès qu’ils se croisent.
A vrai dire, plus que d’un Scorsese des débuts ou d’un Tarantino – à qui Yaesh fait plus d’une fois des clins d’oeil dans son film- ce réalisateur se rapproche sensiblement d’un Spike Lee local. Les voisins de Dieu n’est pas si loin que ça d’une opération de jumelage avec Do the right thing. Toutes proportions gardées,- un premier film est très rarement exempt de maladresses de débutant- les deux films touchent à la même problématique du vivre ensemble, des possibles méfaits du communautarisme.
Sous son apparente grande gueule, c’est d’ailleurs quand il exprime ses fragilités que Les voisins de Dieu devient plus passionnant qu’intrigant. Par exemple lorsqu’un rabbin ouvre son prêche en rappelant que la sagesse commence par se dire qu’on ne sait rien de rien, que tout est tangible. Mine de rien, cette séquence est probablement la plus transgressive des Voisins de Dieu, film inattendu.
En salles le 27 mars