Le MC londonien qui a souvent hésité entre la musique et le cinéma réunit les deux avec la sortie de son film, « Ill Manors »
Il y a quelques jours, Isadora recevait l’anglais Plan B pour un « Dans les Oreilles » dans lequel le chanteur et réalisateur londonien raconte son parcours en musiques. Celui qui a longtemps fait l’aller retour entre le cinéma et la musique nous livre un parfait mélange des deux avec le film « Ill Manors » qu’il réalise et pour lequel il signe la BO. Rencontre avec un type polyvalent.
Qui suis-je ? Je suis un narrateur qui a choisi de raconter des histories avec la musique et le cinema… je fais aussi l’acteur parfois. Je m’appelle Ben Drew, plus connu sous le pseudo de Plan B.
Mon premier souvenir musical, c’est Michael Jackson et le long clip de Thriller ; on aurait un court métrage plus q’un clip en fait… Je crois que c’est avec ce clip que j’ai découvert Michael, vers l’age de 4 ans.
Tout petit, je ne connaissais que Michael Jackson ! Puis, en grandissant, il y a eu des 45T à la maison, ceux de mes baby sitter allemandes et suédoises qui m’ont fait découvrir Nirvana, Cypress Hill, Prodigy ou encore Metallica. Elles mettaient leur musique, et parfois je demandais ce que c’était et je regardais les pochettes . Je me souviens que, très jeune, Cypress Hill m’a beaucoup intrigué. J’aimais beaucoup Nirvana – surtout le live acoustique de MTV et la chanson The Man who Sold The world.
Mon tout premier disque, je pense que c’était Oasis, Roll With It… Ce jour-là, je suis juste entré dans la magasin et j’ai pris les premiers disques que j’ai vus, en tete de gondole : Oasis et Blur. En K7.
Mon premier concert, là encore, ça a été Oasis. Quand Oasis a entamé sa première chanson, les gens ont commencé à slammer donc j’ai demandé à mes potes de me porter et là, je suis passé de mains en mains et je suis arrivé pile devant la scène. Là, les vigiles m’ont pris et fait sortir du stade, c’était à Wembley… C’est n’importe quoi, j’avais seulement 15 ans, ils n’étaient pas obligés de me foutre dehors ! Je suis revenu quand même ! J’ai escaladé, je me souviens que j’étais torse nu parce qu’ils avaient viré mon tee shirt… J’ai été très surpris de voir à quel point c’était facile de gruger ! Bref, j’ai pu finir le concert.
Mais mon concert le plus marquant, ça a été Cypress Hill à Glastonbury parce qu’à l’époque, la plupart des groupes de rap ne venaient qu’avec un DJ. Là, Cypress Hill jouait avec un groupe. Incroyable !
Le disque que j’ai le plus écouté, c’est certainement « Music for the Jitled Generation ». Je peux l’écouter n’importe quand, ça ne sonnera jamais daté pour moi… C’est pour ça que j’aime Prodigy ! Même « The Fat of the Land » ; quand je l’ai acheté j’ai d’abord trouvé que c’était plus mainstream que les autres albums mais en fait, ils pourraient le sortir maintenant, ce serait toujours un succès. La production, l’énergie, tout fonctionne encore aujourd’hui.
En plus, après avoir entendu Prodigy, je suis devenu beaucoup plus ouvert à d’autres styles musicaux. A l’époque, dans les années 90 il y avait une grosse scène jungle par exemple. Mais avant ça, je ne m’intéressais qu’à des choses comme Mickael Jackson. Je crois que Music for the Jitled Generation a vraiment été la première Dance music… avec une production moderne, et ça a changé mon opinion sur ce que devait être la musique. Avec Jackson c’était de la pop, chaque chanson durait 3’30 et devait avoir des refrains entraînants. Avec Prodigy c’était très sombre et underground, et j’ai soudain réalisé que l’expression musicale pouvait être plus obscure que les choses qu’on entendait à la radio, tout en restant de très bonne qualité !
Mon MC préféré, c’est sûrement Eminem. Parce qu’il sait raconter des histoires. Ses deux premiers albums nous ont occupé pendant un bon bout de temps avec mes amis. Je pense qu’on a écouté son premier album pendant bien deux ans… Chaque mois, nous avions un nouveau morceau préféré. J’aimais pouvoir écouter du hip-hop sans que ce soit forcément gangsta. La plupart du hip-hop à l’époque était du gangsta rap. Eminem a su rendre intéressant le fait d’être un white trash vivant dans un mobile home et s’envoyant des burgers chez Burger King. Ca a été un tournant pour moi et c’est ce qui m’a donné envie de rapper.
C’est quand j’ai vu Pulp Fiction que j’ai voulu devenir réalisateur. A l’époque j’avais un groupe d’amis avec lesquels on était fans de cinéma. On discutait des films, de la manière dont ils étaient structurés, des acteurs… On avait beaucoup de respect pour la réalisation et les performances des acteurs. Ca m’a donné envie d’expérimenter ces choses moi-même. J’ai lu dans une interview que Tarantino élaborait la bande originale avant d’écrire le scénario. Il écrit avec la musique déjà en tête. Et je pense que c’est particulièrement visible dans Pulp Fiction et Reservoir Dogs. Les bandes originales de ces deux films sont géniales et sont d’ailleurs devenues cultes.
J’ai toujours su que je voulais devenir musicien. Quand j’étais jeune, je sentais bien que c’était mon chemin, plus que d’aller à l’université. Mais ma mère et ma soeur m’ont toujours dit qu’il fallait que j’aie quelque chose pour me retourner. Alors je suis allé à la fac et j’ai étudié le cinéma. Je me suis dit que si je devais me retourner, je serais réalisateur. Puis j’ai quitté la fac, car je me suis dit que si un jour je voulais être réalisateur et avoir le contrôle sur mon travail, il faudrait que j’ai les fonds pour le financer moi-même. Parce que si tu utilises l’argent de quelqu’un d’autre, il va te contrôler et te dire ce que tu dois faire. Alors j’ai quitté la fac pour me concentrer sur la musique, pour gagner de l’argent grâce à cette musique, et finalement financer mon film. Et c’est que j’ai fait avec Ill Manors !
Interview à réécouter dans son intégralité en cliquant ici.