“Reincarnated” suit le pèlerinage de Snoop en Jamaïque… Coup de pub ou athentique recherche de soi? Réponse dans les salles obscures dès jeudi 4 avril
Avant toute chose, il est important de préciser que vous ne changerez pas forcément d’opinion sur Calvin Broadus, ex-Snoop Dogg devenu Snoop Lion, dans le documentaire qui suit la réincarnation du MC de Long Beach en rastafari : si vous aimez Snoop, vous l’adorerez après visionnage ; si vous trouvez qu’il s’est perdu en allant se promener en terres reggae, alors vous trouverez qu’il n’est plus que la caricature de lui-même.
Pour se faire une idée, rien de bien compliqué (pour les parisiens du moins) !
Avant-première le jeudi 4 avril au MK2 Bibliothèque, 20h.
Puis, 3 projections exceptionnelles au MK2 Grand Palais :
– Vendredi 5 avril, 20h
– Samedi 6 avril, 22h
– Dimanche 7 avril, 15h
« Reincarnated » suit le pèlerinage de Snoop sur la terre de ses nouvelles idoles, de son arrivée en Jamaïque jusqu’à la cérémonie lors de laquelle, dans une transe rastafari proche de la folie, Snoop devient officiellement, aux yeux des rastas, un Lion.
Nouvelles idoles
« Ses nouvelles idoles ». Beh oui. Car si Snoop a toujours eu besoin de croire en quelque chose, le message rasta a mis du temps à lui arriver au creux des oreilles. Le jeune Calvin est élevé par une mère qu’il aime, respecte et craint. Mais il grandit sans figure paternelle. Pas besoin des analyses de Stéphane Clergé pour comprendre que sans la figure d’un père, c’est plus compliqué. Notamment quand on vient du ghetto.
A travers les types avec qui il traîne, avec qui il rappe, avec qui il fume et avec qui il fait de la merde, Snoop se trouve une famille. « On avait les mêmes valeurs, les mêmes codes. On s’entraidait. On s’habillait pareil ». Alors sa foi, Snoop va la donner à la rue. A la culture gangsta. Jeune, Snoop veut de l’argent et ça, ça passe par la drogue et les armes.
Le documentaire « Reincarnated » commence d’ailleurs par des images de cette période, notamment le jour où l’on vient l’arrêter, en studio, alors qu’il enregistre l’album « Doggystyle » (nous sommes en 1993), pour le meurtre de Philip Woldermarian, un type d’un gang rival. Snoop plaide la légitime défense et finira acquitté. Après un rappel des faits, retour à 2011, et l’arrivée de Snoop en Jamaïque.
Yes, sir
On y découvre un Snoop humble, discret et concerné, autant par un simple interlocuteur inconnu que lorsqu’il donne du « yes sir » à un Bunny Wailer qui lui souhaite la bienvenue. On a l’impression de voir un jeune padawan devant maître Yoda. Un maître qui lui précise : « On t’observe et on te suit, tu sais… ». « Yes, sir ». Et Snoop lui offre de l’herbe qu’il lui a rapporté spécialement de Californie, « a present for you ». Bunny apprécie.
On rappelle ici l’importance de l’herbe dans le Rastafarisme, celle qui rend pur, celle qui uplifte, celle que l’on fume en l’honneur de Jah, celle qui permet de s’élever. On commence à comprendre que Snoop ne vient pas se chercher une crédibilité, un hobby ou un nouveau jouet : Snoop est en quête de spiritualité. Celui qui ne jurait que par le mode de vie gangsta semble avoir mûri, s’être apaisé, mais tout en restant à la recherche d’un modèle. A la recherche d’un père.
Rasta avant l’heure ?
Sans même y avoir songé, Snoop prône d’ailleurs depuis tout jeune les vertus de l’herbe, ce qui n’est pas rien, du point de vue des rastas. C’est Damian Marley qui fait le lien en premier : « J’ai rencontré Snoop Dogg en 1997 et il avait déjà des comportements, des tendances, des idées rasta. D’ailleurs, c’est l’un des meilleurs avocats de l’herbe qu’il soit ! ». Et là, on voit l’idée du documentaire qui se forme : et si Snoop avait toujours été rasta, mais sans le savoir ?
L’idée se confirme dans un premier temps, alors que l’on découvre une démarche est authentique, sincère. Sur les images de ce Snoop en Jamaïque, on observe un jeune homme en quête de spiritualité, pas une pop star qui s’est trouvé un nouveau créneau. Puis, dans un second temps, lorsque l’on découvre un Snoop apaisé, proche de la nature, de ses nouveaux frères, de leurs valeurs.
Et Damian Marley d’en remettre une couche : « Snoop vient du même genre d’endroits que mon père et, comme mon père, il a du traverser toutes les difficultés du monde pour en arriver là ». Bon, la comparaison peut s’arrêter là, mais elle sonne juste. Retour au docu. Snoop se promène avec cinq-six personnes qui l’emmènent là où ils font pousser l’herbe. Ils marchent à pied dans les luxuriantes hills des abords de Kingston.
Fruit juiiiiiiice
Snoop observe les arbres, la terre, la weed. Ils s’arrêtent devant un arbre. « Ce sont des grapefruits. Nous en buvons le jus, que l’on appelle ting ». Snoop saute pour en attraper un (il saute haut, le type a usé les playgrounds). Le soir, en studio, Snoop met en musique les images et leçons de sa journée, et chante « Fuit juice, fruit juiiiiice » sur un sleng teng riddim revisité.
Le documentaire et les propos de Snoop lui-même reviennent souvent sur ses jeunes années, sa maman, la rue, ses frères Nate Dogg et Warren G… Des images qui ne font que renforcer cette impression : Snoop s’est toujours cherché. La musique, la rue, les armes, les dollars, les bitches… autant de muse en lesquelles il a cru, mais qui ne lui ont apporté qu’une paix relative. Il a besoin d’aller plus loin, de s’investir plus. Il tâtonne, et sent qu’il est sur la bonne voie avec cette histoire de rastafarisme. Il le croit et il a voulu aller le vérifier par lui-même, au plus proche.
Snoop se promène. Il baisse les armes, sourit, et s’apaise. Il marche sur les traces de Delroy Wilson et Peter Tosh à Trench Town, sur les sentiers non battus des montagnes de l’île, et jusqu’à une école où une fanfare de jeunes mélomanes jouent le thème du Artibella de Ken Boothe. Snoop danse, sans en faire trop mais sans se retenir non plus. D’ailleurs, il danse presque depuis le début du documentaire, on sent vraiment que la musique l’envahit et résonne en lui.
I have the peace and the love… I need the struggle
Il écoute patiemment et attentivement, avant de se lancer dans une improvisation, répondant à l’invitation chantée du prof de la fanfare. Les enfants apprécient, et Snoop ira les saluer un par un, du premier au dernier, avant de s’en aller, encore un peu plus confirmé dans son idée qu’il touche à la paix. « My album is about peace, love and struggle. I have the peace,I have the love, but I need the struggle ». Comprendre « aujourd’hui j’ai trouvé l’amour et la paix… il ne me manque plus qu’une lutte, une cause à défendre, un combat à mener ». Snoop a reçu tout ce qu’il espérait quand il a commencé à rapper : de l’argent et de l’amour. Il est désormais prêt à donner en retour. Mais il veut savoir quoi donner, et comment donner.
Nous croyons en l’autre plus qu’aucun ne croit en nous
On le voit en studios, entouré de jamaïquains, et il ré-évoque ses jeunes années : « Ca me rappelle mes débuts, l’époque de Nothing But a G-Thang ! Tous ici, comme à l’époque, nous croyons l’un en l’autre plus fort qu’aucun autre ne croit en nous ». Car après les débuts, la famille de Compton, Dr Dre, Warren G et les autres, il y a eu la mort obscure de Tupac.
Alors que les soupçons se portent en premier sur Biggie sur fond de guerre East / West Coast, c’est finalement Suge Knight, boss de Death Row Records, qui devait une bonne centaine de millions de dollars à Tupac, qui endosse le costume du coupable idéal. Un énorme traumatisme dont ni Snoop ni son label de l’époque, Death Row, ne se remettront. Snoop, meurtri, perdu, file sur le label de Master P. Il s’assagit, se marie, fait une fille…
« The most lovable pimp »
Puis, après quelques années viendra l’époque de la Nation of Islam. Snoop surprend tout le monde en se pointant au meeting de l’organisation noire radicale et extrêmement influente sur le hip hop de l’époque. Louis Farrakhan, son dirigeant, en explique la raison : « Après la mort de Tupac puis la mort de Biggie, tout le hip hop américain s’est retrouvé chez moi ».
La quête d’une cause, encore et toujours. Se retenir, s’accrocher à un combat, quel qu’il soit, pour ne pas se perdre totalement. Farrakhan cherche des parallèles : « Regardez Malcom X : avant, il était un gangster… mais lorsqu’il est devenu un leader, c’est là qu’il est devenu dangereux ». Une certaine idée du fameux « le savoir est une arme » cher aux rappeurs, sans doute.
C’est lorsqu’il est devenu un leader que Malcom X est devenu dangereux
A cette époque, Snoop devient « The most lovable pimp« . Et c’est la tout le para-dogg de Snoop en fait : un rappeur hardcore mais tellement doux, violent mais tellement peace, l’histoire du maquereau qui respectait les femmes, mais aussi d’un gangster macho qui se révèle être un excellent père de famille. Le plus sympa des enfoirés en fait !
Ensuite, Snoop raconte l’histoire de « No Guns Allowed ». Un tournant dans sa vision de la vie : lui qui avait toujours connu les histoires de gunshots, lui qui avait toujours reçu des menaces de mort, lui qui avait des ennemis, explique que depuis le jour où il a rendu officiellement les armes, il ne s’est plus jamais senti menacé. Un soulagement, et une révélation. « No Guns Allowed » chante, dans un texte pauvre et ridicule pour les uns, un message fort de paix pour les autres, l’abolition des armes. un morceau sur lequel Drake l’accompagne, ainsi que sa fille, Cori B, qui dit de son papa qu’il « est beaucoup plus heureux qu’avant ces derniers temps ».
Papa est beaucoup plus heureux
Mais tout à coup, le drame. Alors que Snoop est en voiture, en Jamaïque, à chantonne gaiement, il apprend que son ami de toujours, Nate Dogg, qu’il connaissait depuis 1986, est décédé. la bonne ambiance qui rythmait son périple rasta est brutalement coupée par le décès de l’un de ses frères. Toute la troupe en est profondément affectée, mais elle va trouver un moyen d’évacuer sa peine : le reggae. Le chant. Chanter ses peines, ses disparus, ses proches.
Naissance d’un Lion
Le documentaire se terminera au Nyabinghi Center, épicentre du rastafarisme, pour la cérémonie de sa conversion. Une prêtresse l’apostrophe : « Pourquoi êtes-vous ici? ». « Parce que je voulais savoir. Je voulais connaître l’expérience rasta, et je veux en faire partie. Je veux être baptisé à cette spiritualité ».
Le prêtre continue la cérémonie : « Notre frère a été exposé dans sa jeunesse aux mêmes problèmes que nous, la désinformation, l’emprise colonialiste… Le frère a fait son propre chemin et est venu ici en tant que Snoop Dogg, un rappeur internationalement connu. Tu t’appelleras désormais Berhane, ce qui veut dire « la lumière ». Tu ne seras plus un chien, car tu es une shining light ». « Yes sir », répond docilement Berhane. « La lumière que tu as porté toute ta vie, certains ici estiment qu’elle a été mauvaise, notamment auprès des jeunes… Mais ton voyage est ce qu’il est et maintenant, il faut que ta lumière devienne une bonne lumière ». « Yes, sir ».
« How do you feel ? », luidemande plus tard le cameraman.
« I Feel love », répond un Lion en transe.
Et si c’était tout simplement vrai ?