« Real Humans », la série suédoise d’Arte qui met R2D2 au placard et fait rougir Wall-E
Imaginez, c’est votre anniversaire. Vous recevez une grande boite rectangulaire. Dans la boite se trouve un robot. Il est joli comme tout, un Ken taille humaine, ou une Barbie, pas de techno-sexisme, ça serait dommage.
Il répond, parle, marche, sourit, rit même, seuls son air candide et ses yeux luminescents le trahissent. Et puis il y a cette raideur toute robotique mais avec le temps on s’y habitue, on s y attache même, bien plus d’ailleurs que ne le demandent les circuits intégrés et divers mécaniques internes qui ne suscitent pas, au départ, le sentiment.
Réjouissez-vous, c’est un beau cadeau. Ce hubot, comme on les appelle, peut, selon les cas, accomplir vos tâches ménagères, faire office de coatch sportif, il est aide à domicile si vous êtes âgés, et même votre amant si vous êtes seul. Pour ça, il vous suffit d’opérer une petite bidouille dans les bas quartiers, là où le robot se recycle pour la satisfaction de toutes les envies les plus sombres.
Imaginez à présent des robots, tout aussi serviables, utilisés pour remplacer les hommes dans les tâches dangereuses et dégradantes, puis pour diminuer les couts de production dans un joyeux humanisme capitaliste.
Maintenant, placez tout ça dans une société Suédoise qui ressemble suffisamment à notre monde contemporain pour créer la familiarité mais est juste assez imprécise pour admettre l’univers parallèle. Il n’y a pas de contexte géopolitique, pas de politique intérieure, pas d’époque ni de géographie…
Vous voilà fin prêt à imaginer, sur un rythme de soap, une cohabitation homme/machine d’un nouveau type narratif et esthétique. Obtenez la série suédoise Real Humans diffusées tous les jeudi du 4 avril au 2 mai sur Arte à 20H50.
100% humain en français, Äkta Människor en suédois, et en québécois on s’en fout, n’est pas une série d’anticipation et c’est là son originalité fondamentale.
Si elle convoque des thèmes science-fictionnesques, comme le nécessaire syndrome Blade Runner – oui, les robots veulent devenir libres, oui ils se mettent à ressentir, oui la métaphore robots/esclaves se dessine, etc.- elle les développe à l’intérieur d’un cadre tout à fait réaliste, pour l’essentiel dans une banlieue pavillonnaire moyenne, et ses environs. Principe souvent fondamental de la forme « série », la géographie limitée agit comme labo d’expérimentation, dans une ambiance de naturalisme télévisuel.
Si Je est un autre, ici « Je « peut devenir, sur demande, un clone post mortem, un animal empaillé mécanique pour la joie des vivants.
C’est ainsi que l’introduction des hubots dans une réalité reconnaissable mais limitée, et plus particulièrement à l’intérieur de foyers familiaux représentatifs, sert la critique sociale, répondant au cahier des charges officieux du genre. Haine motivée par la peur de l’inconnu, robotisation qui engendre le chômage, solitude contemporaine, acceptation et respect des différences (la révélation de l’orientation « transsexualhubots» du fils adolescent en est un exemple), déviance de la science, abandon des personnes âgées, hypocrisie du discours religieux, division face aux mutations de la société.
Le robot se fait miroir, la redéfinition de l’humanité apparaît comme essentielle, de quoi est elle composée? Qu’est ce qui fait qu’on est humain? Si Je est un autre, ici « Je « peut devenir, sur demande, un clone post mortem, un animal empaillé mécanique pour la joie des vivants.
Une fois confrontées à l’existence centrale du hubot, toutes ces grandes questions contemporaines bénéficient d’un nouvel éclairage, parfois redoutable, profondément dérangeant, mais qui évacue tout manichéisme. L’objet robot est une exagération, le lieu d’une projection distanciée, il permet dans son caractère hybride Homme/machine, d’ouvrir une réflexion dégagée des réflexes.
En passant, car on passe, il faut saluer l’alternance visuelle de scènes d’une sobriété réaliste qui renforcent l’étrangeté, et de remarquables plans pastels, acidulés qui illustrent une consommation ludique, une vie de catalogue dans de propres banlieues géométriques. Ces jolis robots, mèches de côté, petit pull bleu ciel et pantalon jaune pâle, déambulent dans les rayons gigantesques et symétriques de supermarché éclatants, hypnotiques, comme dans une photo d’Andreas Gursky. (Le premier acte autonome des Hubots « libérés » est de changer de vêtement pour adopter des couleurs sombres)
Je me dois de signaler que la lenteur réaliste de la série qui constitue son originalité peut au départ paraître difficile mais passer le cap est tout à fait conseillé, on chope rapidement le rythme qui s’amuse souvent de celui des sitcoms.
Real Humans, tous les jeudi jusqu’au 2 mai sur Arte
NB: la Suédoise “Real humans” devrait faire l’objet d’un remake par les Anglais de la société Kudoz…
Nota(re)bene, c’est instructif la VO, maintenant je sais qu’en suédois bisous ça se dit Puss.