Où comment le « camp », un style tout en ironie et en codes gay, est devenu une esthétique à part entière
Apparu vers 1910, « style esthétique et culturel touchant au mauvais goût et à l’ironie » – à ne pas confondre avec le Kitsch, l’esprit CAMP (prononcer campe) a été très à la mode dans les années 65 -75.
Le «Camp» est un comportement et un langage qui contiennent de l’auto-ironie, des tonnes de références culturelles plus ou moins douteuses… et aussi une façon schizophrène d’y croire sans y croire.
Susan Sontag, photographe ultra branchée, amie des Stones, a écrit le premier manifeste camp en 1964, « Notes on Camp », donnant le signal d’un période faste du genre avec les films de John Waters ou la Factory de Warhol, mais aussi l’avènement de l’humour Drag Queen avec Divine, Dame Edna, Liberace, etc…
On peut également qualifier l’esprit camp de théâtral, exagéré, frivole, superficiel, arrogant, snob… mais aussi de populaire ou petit bourgeois, car la Famille Adams, Dallas et même Batman peuvent en faire partie pour leur esthétique et leur second degré… Et oui ! le Camp est insaisissable et vient souvent se loger là où on ne l’attend pas.
Avec le ressortie en DVD de «The boys of the band» (1970), tiré d’un énorme succès des années soixante, on peut assister dans la première heure du film à une démonstration d’un certain esprit Camp.
Ce film tiré d’une pièce à succès du théâtre off Broadway de Mart Crowley a pour particularité que les acteurs de la pièce furent tous repris dans leur rôle pour le tournage. Il s’agit de la première pièce – puis film – à traiter du milieu exclusivement homosexuel de New York.
Rutilant d’humour noir, de plaisanteries gay, d’affirmations gratuites ou provocantes, citant les idoles gay féminines telles que Judy Garland ou Marlene Dietrich, le film est une comédie dramatique, un huis-clos ou une sorte de jeu de la vérité entre six hommes tourne au drame.
Une sorte de neo-outing collectif !
Jouée pendant des années – comme le Rocky Horror Picture Show, la pièce est admirablement écrite, magnifiquement interprétée, et son originalité n’a pas empêché que beaucoup de spectateurs, hétéros compris, puissent s’y reconnaître.
Réalisé par William Friedkin (French Connection, l’Exorciste,…), le film est devenu un classique du cinéma US, justement à cause de ce réalisateur, choisi à contre-emploi. En effet, Friedkin est plutôt du genre « dur-à-cuire » : films violents, polars, suspens et autres sujets coup de poing
Le résultat est acéré comme un film noir, sans mièvrerie ni complaisance. Un reportage-vérité sur la scène homosexuelle naissante et les complexes de cette petite société d’alors.
D’où l’usage ironique et décomplexant de l’attitude camp dans ce film-charnière du tout début des seventies puisque cet état d’esprit, déjà présent dans l’underground et l’avant-garde, va ensuite se répandre dans l’ensemble de la culture Pop.
Les australiens définissent le camp comme purement homosexuel.
Les américains disent que cela vient du campus ( universitaire ), où se forme cet état d’esprit.
En ce qui me concerne, j’imagine le mot comme venant de « camper » (un personnage) ou se camper (dans une attitude) car, fortement théâtral, cet esprit est centré sur l’ego, obsédé par les biographies des artistes plus que par les œuvres elles-mêmes.
C’est le côté « gossip» du camp !
2 rééditions :
# DVD «The boys of the band» ; 1970 de William Friedkin.
Super bonus avec making off, et ITW de tous les participants, sorti chez Carlotta Films.
# «Second manifeste Camp», de Patrick Mauriés. L’éditeur singulier.
(une vision très intellectuelle et en hommage à Roland Barthes)