La « Coiffe de Naissance » d’Alan Moore (photo) et Eddie Campbell sort en librairies. La quoi ?
Le gift Shop de ce grand mix vous offre une coiffe de naissance.
Je vous sens perplexes, voire silencieusement inquiets car vous êtes polis. Ca vous honore.
Une coiffe de naissance, sachez-le, c’est cette membrane foetale qui encapuchonne la tête de certains nourrissons à la naissance tel un bonnet organique. quoi beurk? Attendez un peu, une coiffe de naissance apparemment c’est une chance, ça se marchandait très cher comme Gri-Gri chez les marins du XIXème, un efficace préventif magique anti-noyade à ce qu’on raconte. Mais une coiffe de naissance, pour Alan Moore, c’est autre chose, c’est un Saint-Suaire individuel et profane aux vertus tout aussi étonnantes.
Alan Moore c’est le scénariste britannique génial et halluciné de BD comme Watchmen, From Hell ou V comme Vendetta, qui découvre à la mort de sa mère, alors qu’il est déjà adulte, une coiffe de naissance, séchée entre deux pages de livre, comme un herbier. Il utilise alors son écriture telle qu’on la connait, entre poésie brute, engagement, tortueuse magie dont il est un grand adepte et philo existentialiste sous LSD, une écriture révoltée, pour une véritable plongée à rebours dans l’identité humaine. De son âge actuel jusqu’à son statut de zygote, en passant par l’adolescent et la petite enfance, il propose un jugement de son âme perçue comme identité, et à travers elle, de toute une humanité, celle de la classe populaire anglaise de la fin du XXème notamment.
La coiffe de Naissance est alors un texte aux multiples références, écrit pour une performance unique donnée au vieux tribunal de Newcastle en 95.
Mais ce texte fascinant fascine très justement Eddie Campbell, dessinateur entre autre de From Hell, qui convainc Moore d’en faire une BD. Et voilà cet ouvrage sorti chez Ça et là, le 24 avril dernier où les mots se doublent, s’enrichissent des tracés multiples de Campbell qui décline sur un plan graphique ce que Moore propose dans la narration, chaque étape, du croquis, à la photo est graphiquement présente : miroir de l’écriture, ces étranges, mouvants, dessins noir et blanc, serpentent de l’abstraction totale, à l’illustration concrète…
Il y a ici quelque chose de la transe, comme regarder trop longtemps l’eau s’écouler, d’un vieux robinet ou d’un torrent cristallin, en volutes, en tourbillons, et pourtant inéluctablement, d’un point vers un autre, du haut vers le bas… La pensée de Moore est liquide, elle demande parfois qu’on se laisse simplement porter, dériver…
La Coiffe de Naissance, Alan Moore et Eddie Campbell, Editions ça et là, 24 avril, 20 euros.
En cadeau ce très étrange documentaire