La combat est-il dans nos gènes ? Un homme l’a érigé en art, en spectacle, et en a fait le programme télé le plus rentable au monde. Entretiens & enquête à l’UFC sur ce qui pourrait vite devenir le premier sport au monde
Le programme qui rapporte le plus de sous au pay-per-view américain (la télé à la carte) n’a pas 20 ans. Encore jugé comme le rêve d’un fou il y a quelques années, la montée en puissance des Arts Martiaux Mixtes (MMA) étonne et intrigue. Sauf que ce fou-là, c’est Dana White. Tout sauf un illuminé.
Nous rencontrons le charismatique président de l’UFC (Ultimate Fighting Championship) dans l’enceinte du Prudential Center, le plus important stade de New Jersey. Dana White, crâne lisse et physique impressionnant, a longtemps été promoteur de combats de boxe avcant de sentir toutes les possibilités liés à la pratique du MMA, ce sport qui se fait s’affronter des combattants pratiquants de tous les arts martiaux existants.
Le combat, c’est le premier sport au monde
White a le verbe haut, le juron facile, le sourire malicieux, et un foutu charisme. Lorsqu’on lui demande a quoi est lié le succès de sa franchise, il s’enthousiasme : « Tout le monde connaît Mohammed Ali, non ? Mike Tyson ? Bruce Lee Oui ou non ?… Pourquoi ? Tout simplement parce que le combat, c’est le premier sport au monde ! C’est dans notre ADN, le premier sport au monde ! Tu mets deux mecs nus, vierges de toute culture ou tradition, quelque part, tu peux être sur qu’ils vont se taper dessus avant de faire des passes de foot, des échanges de tennis ou un billard ! Il n’y a rien de plus fort que le combat ».
Ci-dessous : Jon Jones à la pesée, Dana au milieu teeshirt noir
En 2001, Dana White et ses associés rachètent pour 2 millions de dollars l’UFC, géré jusqu’ici par des gens plus ou moins compétents fragilisés par quelques erreurs stratégiques qui donneront une piètre image du MMA, jugé violent et sans règles. Dana prend le bébé en mains, l’organise, le rend sexy, lui fait gagner une légitimité sportive et une éthique morale : combattants impeccables, polis, combats spectaculaires, et surtout, stratégie marketing parfaitement rodée. Pas un mot ne dépasse de la bouche d’aucun des proches de l’UFC, si ce n’est de la sienne. Dana, c’est le patron. Il choisit les athlètes qui représentent son sport, et s’ils ne se plient pas à ses règles, adieu les combats dans l’octogone.
Mohammed Ali, Mike Tyson & Bruce Lee !
Hier se déroulait donc à Newark, commune séparée de New York par l’Hudson, l’UFC 159. Nova y était, impatient de voir le degré d’éventuelle violence, l’intensité des combats, l’organisation d’un show à l’américaine et l’engouement du public. On ne va pas faire durer le suspense, le show était au rendez-vous. Nous avons par contre été surpris par le niveau de spectacle des combats : lorsque vous tapez UFC sur Youtube, vous tombez systématiquement sur la série des KO les plus impressionnants de ce sport, et Dieu sait qu’ils le sont…
Mais ils donnent par la même occasion l’impression d’un sport assez brouillon, très violent et systématiquement sanglant. Ca n’est pas du tout le cas. En vérité, un combat de MMA, ça passe en gros du muay thaï (debout donc, pieds et poings) à un combat de lutte, combattants au sol tentant de réussir une prise qui immobilisera son adversaire.
L’UFC, plus de 10 millions de fans sur Facebook
Au final, le spectacle qui fait de l’UFC une compétition sulfureuse, attendue et spectaculaire, est également ce qui lui cause du tort, car propageant l’idée d’un sport proche du combat de rue, ce qui n’est en rien le cas. Sa force est en fait sa faiblesse, et vice-versa. J’ai personnellement assisté en Thaïlande a des combats de muay thaï qui m’ont plus impressionné. Ici, les combattants, ayant la crainte de la prise au sol, restent sur leurs gardes et ne se lancent pas n’importe comment.
Le spectacle était impressionnant à voir, augmentant en intensité au fil des combats, de la victoire rapide et par KO de Roy « Big Country » Nelson (photo d’illustration) sur notre chouchou Cheick Kongo, jusqu’au main event entre la star actuelle du sport, Jon Jones, à Chael Sonnen. Jones, le plus jeune combattant jamais champion dans l’histoire de l’UFC, le beau black, la new school, versus Sonnen, le gendre idéal, dix ans de plus, la old school.
Arrivé sur un flamboyant « Jammin« , dansant sous les acclamations de la foule, le jeune champion a réglé son affaire en moins d’un round, affichant fièrement son sourire éclatant et sa bonne humeur, à l’image d’un Usain Bolt qui fait le show et le chaud à chacune de ses apparitions.
« Bones » Jones a gagné, enfile bien sur son teeshirt Nike (qui sait toujours être là où il faut) et repart avec son titre. Fin de l’histoire, digne d’un scénario Hollywoodien.
L’histoire est prête à continuer, le sport est prêt à conquérir la France, la Finlande, les états de New York et du Connecticut, les seules régions où sa pratique n’est pas encore tolérée. Ce n’est qu’une question de temps, la qualité du spectacle et les sommes générées étant tellement importante que nul ne pourrait leur résister bien longtemps.
Le combat élevé autant au rang d’art que de spectacle, une stratégie marketing parfaitement huilée, des stars contrôlées par le vrai patron, Dana White… tous les ingrédients sont là pour que l’UFC devienne The Next Big Thing partout dans le monde.
Mais ce serait être bien ignorant de croire que ce spectacle, aussi suivi soit-il, puisse prendre – et notamment en Europe – la place dans les coeurs des gens d’un sport tel que le football… L’avenir nous le dira.