Un morceau de l’artiste chinois éclipse un autre de ses projets, bien plus intéressant
L’artiste chinois Ai Weiwei fait parler de lui en ce moment. Il y a 2 jours, il révélait “Dumbass” (abruti en anglais), premier morceau blindé d’injures de son album, The Divine Comedy, à paraître le 22 juin. Ce titre aux accents heavy metal est porté par la voix sombre et dissonante de l’artiste dissident.
Le clip de “Dumbass” met en scène l’emprisonnement de l’artiste pendant 81 jours en 2011 dans les geôles chinoises. Une critique à mots ouverts du régime autoritaire de Pékin, qui se veut par ailleurs une réplique « exacte » de ses conditions de détention.
Ce non-événement musical – le morceau est franchement de piètre qualité – a été relayé par toute la presse internationale. Au point d’éclipser l’installation d’une œuvre de l’artiste, autrement plus intéressante, au Sheung Wan Civic Centre de Hong Kong.
La semaine dernière, Ai Weiwei a en effet disposé dans une salle du centre culturel, une carte de la Chine composée d’exactement 1815 bouteilles de lait – de marques étrangères. L’artiste se serait-il pris d’une nouvelle lubie anti-bovine ? Non, en réalité, cette œuvre entend dénoncer un vaste scandale sanitaire et politique qui prend ses racines en 2008 dans l’Empire du Milieu.
Cette année-là, 6 bébés meurent intoxiqués après avoir ingéré des produits laitiers contaminés, et commercialisés par une enseigne nationale. Quelque 300.000 personnes tombent également malades, semant un vent de panique dans tout le pays. Les consommateurs se rabattent sur des marques étrangères, quand elles ne vont pas se fournir directement à la source, à Hong Kong ou carrément en Angleterre.
A Hong Kong, les étales des magasins sont vidées en quelques jours ; de sorte que le 1er mars 2008, le gouvernement décide de pénaliser la détention de plus de 2 packs de lait en poudre. Les lacto-trafiquants sont désormais exposés à une peine de 2 ans de prison et $64.000 d’amende. Une adition plutôt salée pour des parents qui souhaitent “juste” préserver la vie de leur progéniture (au singulier, politique de l’enfant unique oblige…).
Interrogé par Reuters, Ai Weiwei explique son œuvre ainsi : « Un pays comme ça peut envoyer des satellites dans l’espace, mais ne peut pas mettre un biberon de lait sain (safe) dans la bouche d’un enfant. C’est totalement absurde. »
Avec cette double exposition médiatique, gageons que l’artiste boit du petit lait !