Le dissident Ai Weiwei nous a ramené quelques souvenirs de ses 81 jours de prison.
Epié 24 heures sur 24, même sur le trône. Surveillé de long en large par ses geôliers, deux dogues qui ne le lâchaient pas d’une semelle : c’est peu dire que ça n’a pas du lui plaire, à Ai Weiwei. Et pourtant l’activiste multi-tâches (photographe, cinéaste, blogueur, sculpteur, et dissident politique chevronné, on le rappelle) a quand même trouvé dans ses 81 jours de détention au printemps 2011, ultime pied de nez du dissidentune énorme source d’inspiration.
Please Mr. Jailer, won’t you let this man go free?
Dans ses bagages : une chanson de heavy métal qui – heureusement – n’a pas pour vocation d’être audible mais de déverser un flot d’insultes sur la justice chinoise, le tout illustré par de fausses scènes où Ai Weiwei revit sa détention. On vous en parlait la semaine dernière : après son Gangnam Style version rebelle, le clip « Dumbass » réalisé enfonce le clou.
Deuxième souvenir artistique et rebelle d’Ai Weiwei : six énormes boîtes en métal rouillé posées dans la nef de l’église Saint Antonio à Venise depuis le 28 mai. Cette installation surréaliste nommée S.A.C.R.E.D se tient dans le cadre de la Biennale et représente de façon glaçante le traitement auquel le roi de la controverse a eu le droit lors de ses 81 jours de détention.
Faute de passeport pour se rendre dans la Cité des Doges, Ai Weiwei y a installé cette maison de poupée métamorphosée en prison, avec six scènes de son incarcération : sous la douche, marchant dans sa cellule, couché en train de dormir, en train de prendre son repas, parlant, et aux toilettes. Des situations durant lesquelles ses deux geôliers ne le quittaient pas. Un peu voyeuriste à son tour, le visiteur se sent tout aussi gêné d’être le témoin de ces scènes, à travers des fenêtres taillées dans les boîtes.
Six scènes de l’incarcération d’Ai Weiwei, visibles dans l’église de Sant’Antonio à Venise depuis le 28 mai.
Artivisme et subversion créative
L‘an dernier, la galerie du Jeu de Paume exposait les photos d’Ai Weiwei dans « Entrelacs ». Entre autres œuvres, la photographie d’une jeune fille dévoilant sa petite culotte sur la place Tian’anmen (1994) jouxtait la série de doigts d’honneurs rapportée des quatre coins du monde. Le fameux bras brandi d’Ai Weiwei a ainsi été immortalisé sur la place San Marco à Venise (encore), devant la Tour Eiffel, la Maison Blanche ou le Colisée.
« Study of perspective », sa série de doigts d’honneur.
La série « Provisional Landscapes » témoigne des démolitions drastiques de maisons traditionnelles chinoises, réduites en pâtés de briques pour construire de grands édifices au nom du progrès.
Bref, Ai Wei Wei n’a pas fini de transcender sa révolte… Et ça fait du bien !
L’exposition «S.A.C.R.E.D» présente à Londres et Milan (www.lissongallery.com) jusqu’au 15 septembre.