L’exposition consacrée à Felicie de Fauveau nous rappelle que les femmes sont rares dans l’art…
Il y a TRES peu de femmes artistes plasticiennes : oui, Louise Bourgeois la centenaire, Vieira Da Silva la grande abstraite brésilienne, Tamara de Lempicka la garçonne, Frida Kahlo la Mexicaine, femme de Diego Rivera le muraliste, Suzanne Valadon la mère d’Utrillo, Berthe Morisot l’impressionniste, Camille Claudel, sculpteur, concurrente de Rodin qu’Adjani incarna au cinéma.
Mais la vérité, c’est qu’elles sont rares !… Voilà pourquoi Félicie de Fauveau, sculpteur, décoratrice, designer, sorte d’anti Philippe Starck de la fin du 19eme siècle, mérite le détour.
En effet, elle a vécu de la vente de ses objets. Tous uniques, rares, décalés et appréciés. Ça se passe vers 1830 et après, en pleine restauration et au retour de l’empire, puis pendant la bagarre pour le trône rétabli. Et si Félicie est une Royaliste, c’est une légitimiste : Louis-Philippe ne lui plait pas, c’est un autre qui est le vrai roi, le comte de Chambord. Elle va se révolter, être mise en prison puis sera condamnée à l’exil en Italie.
Artiste, loyale et aventurière, et le plus beau, passéiste : fan de Saint Louis, elle ne jure que par la chevalerie et son style sera romantique et gothique, avec quatre à cinq siècles de retard !!!
Elle n’est pas seule : il y eut une telle mode gothico-moyenâgeuse, que furent organisés à Paris des tournois de chevalerie et que l’on vit des tenues avec chausses, hénins et cottes de maille, pour s’opposer au genre bourgeois et boursouflé Louis Philippard. Les gothiques s’insurgent !
Le chef-d’œuvre de l’artiste est une lampe en bronze, gardée par 4 chevaliers alanguis avec ailes de rapaces et armures polychromes dans un cadre d’architecture gothique, avec flèches, ogives et gargouilles.
Sa clientèle est française, anglaise, russe, italienne: empereurs, rois, princesses et aristocrates ne résistent pas à cette écuyère de l’art. Elle réalise leurs bustes en haut-relief à la manière renaissance et Moyen-Âge, dans des cadres de coquillages, des châteaux médiévaux, des tourelles gothiques avec armoiries et animaux.
Elle est l’artiste des monarques, du passé. Les nobles français déchus se prennent à rêver avec elle de leur gloire, de princesses, de chevaliers et de dragons, de tours crénelées et d’actes héroïques. Elle a été en révolte pour son roi, enfermée puis exilée à Florence, elle est une Jeanne d’Arc, sculpteur des héros de l’histoire. Habillée à l’ancienne, avec coiffe renaissance, pourpoint et jupe longue de velours.
Cerise sur le gâteau : elle est tellement habitée et exaltée par le Moyen-Âge, que ces bustes, statuettes et décorations sont parfaits. D’une exécution raffinée et ciselée, digne de la Renaissance ; les détails sont exacts car elle se documente sans cesse. Proportions, attitudes, coiffures costumes des statuettes paraissent sortis du passé et la polychromie fait le reste : illusion d’un changement d’époque.
Chacun peut se commander son buste, semblant dater du 13e ou 14e siècle, comme sorti d’une cathédrale gothique. La révolution a aussi fait des déçus et des foules de nostalgiques, enviant les royaumes alentours : toute l’Europe vit encore sous ses rois …
Félicie de Fauveau, refuse son temps et restitue son idéal du passé chevaleresque : à la veille de la révolution industrielle, alors que les mineurs alimentent les premiers trains qui vont sillonner l’Europe, une femme de caractère, habillée en rouge et noir, romantique jusqu’au bout, fabrique des dagues recouvertes de chevaliers et de dragons et des bustiers avec des gisants en armures dorés, leurs armes à la main.
Félicie de Fauveau : « Amazone de la sculpture » au Musée d’Orsay. Jusqu’au 15 septembre