A la rencontre de Jean Lecointre, le professeur Frankenstein de l’illustration.
La première fois que j’ai vu des images de Jean Lecointre c’était des blondes bergmaniennes, dans des tons très pastels : vert amande, bleu pisseux, rose fané. Des Suédoises dans une nature pâle qui m’avait frappé bizarrement. Des couleurs passées , mais pas du tout douces…
Ces images paradoxales furent suivies de montages très drôles de personnages mi-humains, mi-gâteaux (passés sur Canal + je crois).
Puis je fis une ITW pour Nova dudit Jean Lecointre, grâce à la galerie Arts Factory…Echange qui donna peu, car l’artiste était abscons et moi si limité en temps, que les éclaircissements sur ce travail pas simple ne purent s’exprimer pleinement .
Plus tard avec la publication d’un livre La balançoire de plasma (Editions Cornelius), je compris que la collaboration avec Pierre la Police n’était pas un hasard : j’avais reçu à Nova le Pierre en question qui avait été tout aussi abscons que le Jean de cet article.
En effet Jean Lecointre, comme Pierre la Police, sont plus snobs que moi et pratiquent la non-réponse comme je pratique la non-interview (dans laquelle je parle tout seul, ce qui évite parfois toute réplique ?)
Ces rencontres ratées (comme celle de Charles Bukowski avec William Burroughs, ou de Gina Lolobrigida avec Howard Hugues) étaient un dommage bilatéral car j’avais long à dire sur les effets de trames d’impressions des journaux anciens, dont Jean lecointre use sans modération.
Vous allez comprendre : dans une vie antérieure avec le groupe Bazooka, nous avions aussi abusé des trames d’impressions (ces points, croix et autres tirés que l’on voit de très près , notamment sur les vieilles BD couleur) et aussi de vieux magazines sublimes.
J’avais eu sur ce sujet un contact excellent avec Jean Claude Forest (auteur de Barbarella) autre grand amateur de trames… Et nous voici revenu à Lecointre et ses collages : grâce à ses recherches dans de vieux magazines (avec trames apparentes), ce chirurgien esthétique de l’image nous sort des illustrations uniques, étranges et durables, qui nous font un peu penser au Lynch d’Eraserhead ou Elephant man, mais aussi à Jerôme Bosch…
Le mieux reste de regarder ses nombreuses opérations, véritables tableaux, gravures modernes d’un futur génétiquement modifié.
J’insiste en tout cas sur le fait que le choix des documents, la physionomie des anciennes photos, rétros, parfois un peu retouchées et aussi évidemment de ce procédé d’impression par points décalés : tout cela est le matériau indispensable à des images réussies.
Pourquoi ? Justement parce que la matière de ces impressions est dure un peu comme de la pierre mais que la lithographie n’obtient pas. Mais aussi douce (ce que la sérigraphie ne donne pas) et enfin il y a dans les vieilles images rétros un je ne sais quoi du paradis perdu.
Jean Lecointre : originaux et parutions à la galerie Lavignes, Bastille
- 27, rue de Charonne . 75011 + expos. Plus d’informations ici, sur le site d’Artsfactory.net !
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- + Deux livres chez Cornélius éditions ( dont une monographie)