« Considérer toujours les hommes au pouvoir comme des choses dangereuses. »
Il est 16h sur nova et on convoque Simone Weil dans ce gift shop. En ces temps qui rétrogradent sévère c’est de saison.
Malgré l’actu anti-avortement et autres anti-libre-arbitre, chose toujours surprenante de la part des cathos quand on considère que c’est là la seule chose que Dieu est censé avoir laissé aux hommes, il n’est pas question ici de Simone Veil, la femme ministre qui milite après d’autres Simone pour le droit à disposer de son corps (que celui qui utilise l’adjectif « de confort » se jette une pierre).
On se trouve ici en compagnie de Simone Weil avec un w, femme extrêmement singulière, brillante, penseur, philosophe, élève d’Alain, activiste, résistante en exil en Angleterre d’où elle combattra la bêtise jusqu’à sa mort à l’âge de 34 ans dans un anonymat total, en aout 1943.
Les éditions de l’Herne dans ses petits carnets noirs rééditent 3 textes : Conversation avec Trotski, Conditions premières d’un travail non servile, et Notes sur la suppression générale des partis politiques.
Ces notes, plus qu’un simple réquisitoire, sont une véritable et redoutable analyse, à la fois profonde et simple, des fondements et travers de la démocratie et de la république à travers l’existence des partis politiques. Ces derniers, conduisent, selon Simone Weil, au conformisme de la pensée, à sa schématisation et à un aveuglement volontaire comparable à l’allégeance au dogme religieux ou à un courant artistique.
Simone Weil fustige dans ces quelques pages notre besoin grégaire d’appartenance pour exister au sein de la société, notre tendance à la passion collective, notre habitude à nous positionner en « pour » et en « contre », qui nous éloignent toujours de la recherche de la vérité, de la justice et du bien public, et permettent l’apparition des totalitarismes. Je cite:
« Presque partout – et même souvent pour des problème purement techniques – l’opération de prendre parti, de prendre position pour ou contre, s’est substituée à l’obligation de la pensée »
A l’heure d’internet, des pouces qui se lèvent ou se baissent, son argument semble plus que jamais pertinent.
Sorte de néo platonisme moderne, et rationnel, la pensée de Simone Weil si elle semble parfois excessive et discutable, est toujours brillante et clairement traduite. La voilà donc, du haut de son milieu de XXème siècle, qui nous rappelle de façon salutaire que nous sommes doués d’une individualité de réflexion et de création qui ne réclame pas qu’on se réclame. Merci Simone.
Simone Weil aux éditions de l’Herne, collection des carnets, 7,50€.
Vous préférez regarder? Un documentaire existe
Et pour en savoir plus sur ce personnage fascinant dont Camus disait qu’il était l’esprit le plus brillant de son temps…