Ces excentriques qui nous veulent du bien.
Un peu comme Edith Sitwell, anglaise spécialisée dans les excentriques, ( et qui nous a laissé un très beau livre sur eux) ou Vita Sackville -West, qui a su décrire avec ironie les aristos british… voici venir la moderne Nancy Cunard qui, après avoir été une égérie du tout Paris, est devenue militante de la cause africaine !
Je ne peux m’empêcher de trouver un lien entre ces femmes, au genre toujours chic mais unique, aux allures de gravures, non pas de mode, mais de LEUR mode, ambassadrices de leur propre style, à la fois rétro et moderne, toujours osé et stylé, et finalement éternel.
Elles sont actives, décidées, à part, mais portées vers le monde, originales, elles acceptent toutes les différences et nous incitent à une culture plus large et généreuse.
Nancy Cunard, héritière de la compagnie de navigation du même nom –et qui existe encore – est née juste avant le siècle, veuve avec la guerre de 14, arrive en 1920 à Paris et incarne les années folles en étant muse ou maitresse (ou les deux) de Aldous Huxley , Tristan Tzara, James Joyce, Ezra Pound, Brancusi, Man Ray, Hemingway, Beckett , Aragon.. Pour ne citer qu’eux !
La crème des poètes, écrivains, artistes, dadaïstes, photographes ( ses photos sont mieux connues qu’elle-même) passe donc dans sa tête et son lit, et dés 1928, devenue éditrice, elle vit avec un compositeur et pianiste noir à Paris, HENRI CROWDER , qui va lui faire connaître Harlem et mieux comprendre le monde afro-américain.
Elle décide d’agir contre le racisme quotidien aux Etats-Unis, ainsi qu’aux Antilles, Jamaique, Brésil , dès 1930.
En 1934, elle publie « NEGRO ANTHOLOGY« , une sorte d’almanach, rempli de textes, lettres, extraits, photos, rapports, statistiques, nouvelles, témoignages, discours, proverbes, collections.. afin de démontrer les qualités et la culture ancestrale des africains !
Elle deviendra la championne de la cause afro-culturelle. Elle dénonce le colonialisme , l’exploitation, le travail forcé, le vol… Et elle va le faire par le biais d’EDITIONS..
Elle n’est pas seule à tenter un état des lieux exact et sans exotisme de la situation sociale des africains dans le monde : Aldous Huxley, Virginia Woolf, les surréalistes, mais aussi des auteurs et journalistes afro américains, des photographes ( comme Siskind), des militants (comme Jomo Kenyata) et enfin des collectionneurs ( comme Charles Ratton) vont participer à ses LIVRES.
Pendant la guerre d’Espagne en 1936, elle sera correspondante des journaux de gauche anglais et de l’ASSOCIATED NEGRO PRESS de Chicago…
Pendant la guerre de 40, les allemands vont piller sa collection d’Art et d’objets Africains. (dont des masques rares et une collection unique de centaines de bracelets d’ivoire qu’elle portait sur tout ses portraits célèbres ( Man Ray, Cecil Beaton..)
Son activisme va la ruiner et l’épuiser (elle meurt à Paris à 69 ans en 1965.)
L’exposition du MUSEE DU QUAI BRANLY à Paris nous présente cette vie hors du commun, la force de cette femme qui va tout donner à une cause indispensable , un parcours échevelé à travers toutes sortes de photos, documents, archives , objets…
Elle a donné sa vie pour que le monde soit un peu moins raciste, et en a payé le prix fort .
Qui a dit que l’aventure idéologique était sans risque ?
- Exposition : « Nancy Cunard – L’atlantique noir » au Musée du quai Branly Paris . Mezzanine est . Du 3 mars au 18 mai 2014 .
- A Venir vers le 15 fevrier : GRADHIVA N° 19 : hors série spécial Nancy Cunard et la NEGRO ANTHOLOGY. 220p. 20 Euros ( revue d’anthropologie et de culture)