Les chroniques d’Usbek & Rica : #25.
La pollution est toujours mauvaise, mais on peut en faire bon usage.
Certes, l’espèce de fog de particules fines qui a recouvert le nord de la France et l’Île-de-France la semaine dernière est carrément flippant. Et en même temps, ce pic de pollution est sans doute une bonne chose parce qu’il remet la question écologique au centre du débat. Et ça faisait longtemps !
Le problème, avec l’écologie, c’est que c’est toujours trop loin (Fukushima), trop théorique (on est obligés d’asséner des « chiffres qui font peur », comme « Il faudrait 3 planètes si tout le monde vivait comme des Américains », mais tout le monde sait bien que les 7 milliards d’êtres humains ne vivent pas comme des Américains), trop « hollywoodien » (les bons vieux films catastrophe à caractère environnemental), ou trop coercitif (la taxe carbone).
Bref, on veut bien être écolo, mais pas ici, et plus tard ! Or, pour la première fois depuis longtemps, le risque environnemental a touché à nos vies intimes. Les parents qui avaient envie d’emmener leurs enfants cueillir les premières marguerites de printemps ont du se raviser.
Le film catastrophe avec nuage de merde, ça y est, c’est dans nos vies, dans nos bronches. Et ça vaut tous les discours de sensibilisation. Dans les cafés, en famille, entre amis, la vanne c’était : « Et toi, tu préfères quoi, la pluie ou la pollution ? » A l’époque des sommets sur le climat à Copenhague ou Varsovie, on n’entendait personne dire : « Et toi, t’es pour 40 ou 50% de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour 2030 ? »
On est sorti de la théorie. Tout à coup, on est confronté à un vrai débat d’avenir : la pollution dépasse les frontières (on dit que 68% des particules fines en Ile-de-France viendraient de l’étranger, notamment d’Allemagne), elle concerne toutes les classes sociales, elle ne choisit pas ses poumons, et nous met face à nos responsabilités.
Même si on mettait beaucoup d’argent dans le renouvelable, il faudrait encore régler le problème du stockage de l’énergie, qui n’est pas encore au point. Après, il est évident que plein de nouvelles questions vont se poser, et ce sera très amusant de voir qui pense quoi :
Si tout le monde roule en électrique, alors se posera forcément la question du nucléaire, qui est une énergie très peu génératrice de CO2 et de particules fines mais potentiellement dangereuse et productrice de déchets dont on ne sait pas quoi faire. Or, la France est embarquée dans le nucléaire depuis les années 60 et que ça restera, quoi qu’il arrive, l’énergie de référence au XXIe siècle. Quand bien même on arrêterait le nucléaire comme les Allemands, il faudrait mettre beaucoup, beaucoup d’argent dans les énergies renouvelables (le solaire et l’éolien). Même si on mettait beaucoup d’argent là-dedans, il faudrait encore régler le problème du stockage de l’énergie, qui n’est pas encore au point. Donc on fait quoi dans l’intervalle ? On utilise du charbon, comme dans la Ruhr, où les mines n’ont jamais autant servi depuis que Merkel a déclaré stopper toute énergie nucléaire pour 2020 ?
On voit donc bien que rien n’est réglé, et que chaque porte qu’on ouvre ouvre une nouvelle porte et ainsi de suite. Mais c’est maintenant qu’il faut s’en préoccuper, parce que les décisions qu’on prend aujourd’hui auront des impacts dans 10, 20, ou 30 ans.
En attendant, il faut retenir la leçon du pic de pollution : au début on gueule parce qu’on ne peut pas prendre sa caisse, et puis on se rend compte qu’on respire mieux et qu’il y a moins de voitures sur les routes, et ça fait du bien. Dommage que ça ait commencé trop tard et que ça se soit fini trop tôt. Mais l’espace d’une journée, on a compris qu’une écologie concrète pouvait créer de la convivialité.
Moi je suis contre la pollution, mais je me dis qu’un nouveau petit pic avant les municipales ou les européennes, ça pourrait pas faire de mal.