Lucio Fontana et le Spatialisme.
Lucio Fontana, argentin d’origine, a été un artiste doué mais inclassable jusqu’à la guerre. Ce n’est qu’avec ses théories « Spatialistes » et ses toiles lacérées ou trouées qu’il va connaître une renommée mondiale.
Mais comment en est il arrivé là ?
Né en Argentine en 1899 (!), il s’installera à Milan dès 1927. Fils de sculpteur, il suit des cours, mais au lieu de lisser le marbre ou la pierre, il modèle en terre, en plâtre ou en ciment des figures de style archaïque.
Il est donc une sorte de primitif dans les années trente et ses figures humaines sont moulées en bronze. La surface modelée à la main est est donc irrégulière et l’ensemble souvent schématique.
Soudain, vers 1934, il réalise une série de sculptures abstraites et géométriques, comme pour se détacher du biomorphisme. Puis il revient à des formes animales ou végétales ( algues), de grandes céramiques colorées, et même un torse à l’antique.
En 1946 Fontana, rejoint par le modernisme, frappé par les débuts de l’exploration du COSMOS, se lance à corps perdu dans le »Spatialisme» ,un mouvement qui fait école, renvoie aux ancêtres FUTURISTES et surtout dépasser le genre pictural, abandonner la toile et le chevalet. Une RAGE DE CHANGER qui va obséder beaucoup d’artistes !
C’est le début d’un schisme artistique qui dure encore aujourd’hui :
L’idée doit supplanter la forme ! Seul l’esprit et le concept doivent guider l’Art !. Incroyable CRISE D’APRES GUERRE qui veut tuer les arts plastiques, l’ exécution, les techniques..
Spatial : son art se veut dans l’espace, imbriqué dans l’air, au delà des règles, des écoles artistiques. Il multiplie les manifestes et les débats et écrivains et philosophes se regroupent autour de lui. Normal ; ses théories ne sont plus PLASTIQUES, mais INTELLECTUELLES.
Mais prisonnier de ses matières usuelles, ses premières œuvres spatiales sont encore des sculptures de plâtre et céramique…
Il va donc encore réaliser de superbes statuettes de guerriers, arlequins, crucifix et même batailles en céramique, à la fois pas finies, évocatrices comme des SILHOUETTES BAROQUES, presque kitsch !
Et puis c’est le DECLIC : Lucio Fontana, vers 1949, INVENTE cette idée de TROUER, puis LACERER des toiles normales sur châssis ? Il passe d’abord une couleur unie, puis il TRANSPERCE littéralement la toile de lin, laissant PASSER l’AIR, l’ESPACE à travers le support !!!
Ce geste, à la fois radical et simpliste va pourtant le propulser à travers le monde. Ce théoricien qui porte beau, capable de céramiques très italianisantes, devient une STAR ULTRA MODERNE, culotté comme Picasso ou Dali…
Paradoxe : ses qualités de sculpteur, d’artiste, vont lui servir, car ses trous deviennent des courbes, des spirales, des dessins ! Il prouve que l’on peut dégager une esthétique en détruisant !
Il va donc décliner TROUS , puis FENTES sur les toiles, mais avec ART, délicatesse ou netteté : l’ombre noire ou la lumière qui passe sont encore des formes, du dessin ! PARADOXE de l’Avant-garde !
La toile aussi peut être parsemée de verre coloré, de matières réfléchissantes comme des pigments or ou argent. Bien sur ses créations permettent des FLOTS d’INTERPRETATION, des déluges d’adjectifs dont : ART INFORMEL.
Fontana continue d’être fasciné par l’espace et les COSMONAUTES ,les nouvelles images de l’univers et des galaxies: des séries des BOULES en terre fendues ou percées qu’il exécute, sont pour lui des PLANETES, mais aussi des SEXE ( féminins) , associés aux cratères lunaires !
(Comme dans 2001 l’odyssée de l’espace, le film de Kubrick ou le cosmonaute régresse en nouveau né ???)
Son talent lui permet de multiplier les œuvres sur ce THEME UNIQUE. Des trous et fentes, sa MARQUE DE FABRIQUE INTERNATIONALE. Sur aluminium ou laque réfléchissante et aussi sur des toiles OVOIDES,
Il rassemble réflexions sur l’ORIGINE DU MONDE, Spatialisme, mais aussi art MINIMAL et POP.
Lucio Fontana meurt en 1968. Il a bouclé la boucle des expressions contemporaines et ouvert la voie aux générations futures par son inventivité radicale. C’est pourquoi il est resté une ICONE de l’Art.
Même si au fond, il est bien plus complexe et mystérieux que le geste auquel on l’associe naïvement , et qui a permis à d’autres de croire que des trous, des rayures ou des pois suffisait à faire une œuvre .
LUCIO FONTANA . Rétrospective au Musée d’Art Moderne à Paris.
Du 25 avril au 24 aout . Avenue du président Wilson.