La vie, la mort, l’amour au cinéma.
Samuel Benchetrit est un électron libre. Le temps d’arriver à bout d’un de ses bouquins qu’il est déjà sur un de ses films. Quand il ne joue pas dans ceux des autres (encore récemment, dans l’épatant Les gazelles). Et quand il réalise, c’est pour ne pas se faire attraper. Bien malin qui pourrait mettre Janis et John, J’ai toujours voulu être un gangster, Chez Gino et Un voyage dans le même panier.
Le voyage en question est celui d’un couple. En apparence monsieur et madame tout le monde, qui décide d’une escapade en amoureux pour un week-end. Le temps de déposer leur enfant chez mamie et les voilà en route, vers… une destination peu ordinaire. Mona va mourir et elle le sait, l’assume même.
Un voyage filme la vie en sursis, l’urgence de ses dernières heures. On pleurera plus tard, pour le moment, il faut célébrer ce qu’il reste, se libérer, profiter. La chronique d’une mort annoncée, est aussi, surtout celle du souffle que doit trouver Mona pour se préparer. Curieusement c’est Benchetrit qui semble déjà dans le deuil: sa mise en scène laisse grimper son émotion, sa caméra est de plus en plus à fleur de peau, tremble, s’arrête, repart au gré de l’avancée vers l’issue funeste.
Un parti pris qui laisse Anna Mouglalis prendre les commandes, se laisser à des instants de colère comme à des phases mélancoliques. Entre désarroi, acceptation de l’inéluctable, et trouille de ne pas y arriver. A la limite de la transe, Mouglalis n’est pas loin des performances d’actrices qu’on trouve chez Andrezj Zulawski (Possession, la fidélité, l’Amour braque…) ou chez Jacques Doillon (la même sensibilité pour filmer avec lucidité ce qu’est un couple, de la fusion au désamour). Avec une différence fondamentale : Benchetrit veut bien filmer la fureur, la révolte d’une telle situation mais pas l’hystérie.
Un voyage est envers et contre tout un film enrobant, protecteur. A échelle humaine devant et derrière la caméra. Pas de budget, équipe réduite, tournage éclair, casting maison: Mouglalis a longtemps été la compagne de Benchetrit, il transpire à l’écran une bienveillance de sa part envers elle (celle qui reste quand on a du laisser partir ceux qu’on aime ?). Tout petit donc d’apparence mais d’une ambition dingue dans ce qu’il veut faire : aborder la très délicate question de l’euthanasie sans sombrer dans le pathos, rester dans une certaine luminosité. Et le faire sans forcer l’émotion dans un sens ou dans l’autre, rester malgré tout dans la retenue et la pudeur. Ouvrir le débat d’une manière digne en quelque sorte.
En salles dès le 23 avril !