Le chef d’oeuvre de Christian Marclay est à vivre au Centre Pompidou.
D’exposition en exposition le Centre Pompidou met ses équipements, ses infrastructures et ses moyens au service d’oeuvres exceptionnelles, dont la démesure implique parfois un investissement complet de la part d’un des fleuron de l’art contemporain en Europe. Dernière oeuvre monumentale à être exposée dans le musée parisien, The Clock de Christian Marclay, une œuvre audiovisuelle d’une durée de 24 heures.
Totale, spectaculaire, hypnotique, l’oeuvre utilise le cinéma (tout un siècle pour être précis), et le fait muter en un mécanisme qui serait celui d’une pendule implacable, précise et immuable, remontant à travers le temps, dans une réalité chrono-cinématographique.
A la manière du sampling qui a permis de revisiter l’ensemble de l’histoire de la musique, Christian Marclay, orchestre, arrange et fait se répondre en écho des milliers d’extraits de films, puisés dans toute l’histoire du cinéma pour composer un opéra mécanique où l’on ne perd jamais ses repères temporels, alors même que le spectateur voyage dans l’espace temps.
Toute la richesse du cinéma, des comédies en noir et blanc aux séries Z, des films d’avant-garde en passant par les blockbusters, tous révèlent l’évidence pourtant incompréhensible du temps qui passe à travers un patchwork millimétré de plans d’horloges, de réveils, d’alarmes, de montres, d’actions ou de dialogues illustrant ce temps qui s’écoule.
Une histoire du cinéma mute, se mélange avec l’histoire personnelle de chacun des spectateurs, conscient d’être confronté à la fuite de sa propre existence. Le dispositif met nos sens à l’épreuve de notre horloge biologique, nous force à s’en imprégner pour mieux y sombrer, se laisser plonger dans un passé qui ne nous rend plus passifs, mais les contemporains de tous les acteurs d’une fiction sans âge. Au travers d’une palette de ressentis et des sentiments, les images deviennent cette force temporelle réunie au travers de fragments de micro-récits, passions éphémères, joies et désespoirs qui s’entrelacent à l’écran. Une fiction du temps qui s’incrit dans le réel devant soi.
L’ouïe aussi devient épreuve du temps dans cette composante orchestrale, métronome implacable d’un bruit si commun et sur lequel tant d’émotions peuvent se calquer, ce tic-tac méthonymique du temps qui passe et que l’oreille mémorise sans pouvoir jamais vraiment le saisir. Dissonnante et prenant pourtant sens, le temps se ressent voire se pressent, comme une pulsation inéluctable et quasi-physique dans The Clock, bien loin de la petite vérification temporelle comme habitus quotidien.
Entre sampling et mastodonte cinématographique, l’oeuvre tient de l’expérimental qui tend vers l’évidence, renouvellant par l’image une notion philosophique qui nous habite tous, en finissant par nous la révéler via nos propres créations, un miroir dont la démesure fascine et marque ce qui est un véritable chef-d’oeuvre.
Représentée du 17 au 3 Juillet, le Centre Pompidou a toutefois prévu de donner à l’oeuvre une exposition adéquate à sa portée, en permettant à trois reprises (les 17 mai, 21 juin et 3 juillet) prochains d’assister à l’oeuvre dans son ensemble en donnant accès pendant 24h d’affilée au musée. Histoire de voir les choses en temps.