Loin du carnaval queer, une jolie bluette brésilienne gay.
Allez hop, maintenant que la coupe du monde de foot est passée, on peut de nouveau regarder le Brésil dans ce qu’il a de plus interessant : son cinéma. Le premier long métrage de Daniel Ribeiro tacle pas mal de clichés autour de son regard sur un adolescent homo.
A priori, Léo est un ado comme les autres : il a envie d’indépendance, envoie souvent chier ses parents, commence à être tirlipoté par ses hormones. Léo est encombré par un obstacle supplémentaire dans cet âge de transition : il est aveugle.
Il a bien une copine, Giovana, mais leur relation est des plus platoniques. Surtout quand débarque, Gabriel, un nouvel élève dans leur classe. Il est très beau. Giovana le sait, Léo le sent.
Comme dirait le poète, l’amour est aveugle. Au premier regard prend l’adage au pied de la lettre avec cette romance à trois toute en douceur. Ribeiro s’essaie même à la pudeur. On est très très loin d’un univers trash à la Larry Clark, Au premier regard préfère y aller mollo, organiser un jeu de chat et de la souris entre Léo, Giovana et Gabriel. Ici on est dans l’évanescence, de la pure et jolie fleur bleue.
Naïf ? Peut-être, mais pas mièvre ni couillon. Bien que discret, Au premier regard distille son propos avec une certaine intelligence. Par exemple en faisant coller sa mise en scène au propos. Léo ne voit rien ? Ribeiro met à sa place en se passant de l’usuel champ/contrechamp. Simple mais suffisant pour savoir ce que c’est de ne pas savoir si quelqu’un vous regarde, d’avoir l’impression de peut-être parler dans le vide.
De la même manière, les approches physiques maladroites, hasardeuses des ados au moment des premiers flirts sont subtilement approchés quand Léo dépend dans son quotidien du contact avec les autres. Mine de rien, Au premier regard glisse lentement, sans même qu’on s’en aperçoive vers une forme d’érotisme : la manière dont Giovana ou Gabriel prennent le bras de Léo pour le guider devient subrepticement plus sensuelle, plus appuyée.
Ribeiro amène tout aussi délicatement l’homosexualité dans le champ. Il n’a même pas besoin de passer par l’artifice d’un coming-out. Au premier regard réfute le misérabilisme, assume clairement son orientation sexuelle. Jusque dans la manière ou Léo est filmé à poil sous sa douche, c’est fluide et naturel.
Pas de discours à la Doc et Difool ni de jugement; l’intelligence d’Au premier regard est de ne pas se placer du côté de la stigmatisation. Si Léo est un garçon à part, c’est à cause de son handicap, pas de sa sexualité.
Cette sobriété de ton s’est construite patiemment (voir ci-dessous le court métrage esquisse de ce long, déjà avec les mêmes comédiens) rend cette plongée dans les années acné particulièrement attachante, surtout quand ce film prend le parti pris de la bienveillance, pas de drame existentiel ni de crise d’identité. Cette douceur générale faisant étonnamment passer la pilule d’un plaidoyer pour être reconnu comme une personne normale, qu’on soit handicapé ou gay. Si Au premier regard est un film lumineux, c’est aussi par son envie d’être positif envers et contre tout.
En salles le 23 juillet