Pour l’amour des hauts parleurs.
Tout a été dit sur ce groupe de musique allemand, fondé en 1970 par Ralf Hutter et Florian Schneider. Tous deux de Dusseldorf et passionnés de musique expérimentale électronique et disciples indirects du maitre Karlheinz Stockhausen.
Ce qui est plus bizarre, c’est qu’en 1973, ils vont avoir un succès mondial avec l’album Autobahn : à la fois froid et dansant.
Au milieu des autres groupes expérimentaux allemands, ironiquement nommés KRAUTROCK (rock choucroute), comme Can, Tangerine Dream, Popol Vuh, Faust, Klaus Schulze, Neu, ils ne font ni du Rock instrumental, ni du PLANANT, ni de l’atmosphérique ou du Wagner Techno…Ils sont déjà à part .
Rejoints par Wolfgang Flur et Karl Bartos, ils ont mis au point quatuor ou tout est programmé, samplé, filtré, pour des sons industriels, des voix venues d’ailleurs, mais au fond une rythmique dansante et des mélodies entêtantes.
Leur avant-gardisme ne gène personne, et les albums à succès et à thèmes vont se succéder : Radioactivity, Trans-Europ Express, The Robots et Man Machine (l’album le plus mondialement samplé !)
En quelques années leur SON a fait dix fois le tour du monde, leur studio KLING KLANG se déplace avec eux en concert, et les instruments de sequencing à pédales ont été mis au point par eux, à partir de computers, boites à rythmes , orgues, vocodeurs et autres Mellotron.
Le résultat est stupéfiant, intéressant, amusant, dansant, malgré la froideur des membres du groupe et du côté déshumanisé de cette musique de HAUTS PARLEURS.
Car Ralf Hutter et Florian Schneider sont TECHNO à fond, délibérément et de manières très réfléchie, pour le long terme. Ils considèrent que la culture européenne est très riche et qu’elle a été stoppée par la guerre en 1940. Ils repartent de là. Europe contre le bulldozer américain.
Ca tombent bien : Ils sont les premiers, mais la NEW WAVE va aussi se passionner pour le Bauhaus, les constructivistes, futuristes, suprématistes et autres expressionnistes allemands .
Le BAUHAUS : architecture, Design et Costumes. Les Futuristes et l’Art des bruits de Luigi Russolo. Les constructivistes et suprématistes avec la géométrie planante de Casimir Malevitch et les affiches de El Lissitsky
Les PUNKS eux aussi s’inspireront des Dadaistes et des Situationnistes.
Les pochettes de disques seront donc dans ces styles graphiques, durs, tranchés et géométriques, industriels et même para militaires, opposés à la période hippy, psychédélique et Art Nouveau.
Ce courant sera la vague de surf des Kraftwerk, de quelques tournées et d’une influence grandissante de leurs idées de musique fabriquée avec des machines, de sons activés sur des programmes, d’un quatuor de hauts parleurs.
Eric Deshayes, nait avec le groupe vers 1970 découpe et raconte cette saga dans un livre de 180 pages détaillées : biographie et concerts, albums et collaborations. Même David Bowie a voulu jouer avec eux, mais ça ne s’est pas fait.
Car la rigidité des 2 membres fondateurs et auteurs uniques des morceaux, fait qu’aucune proposition ou collaboration ne passe la rampe. Si on ajoute leur passion pour le CYCLISME (qui donnera l’album Tour de France), Kraftwerk a un peu fait le vide autour de soi
Voilà peut être ce qu’il faut apprendre d’un groupe si CULTE : grand oncle des vagues électroniques qui vont envahir les festivals, raves, parties et autres méga concerts.
Le chapitre ou les DJ’s Américains, de Afrikaa Bambata à Juan Atkins, Derrick May, Kevin Saunderson et consorts vont trouver en Kraftwerk une pulsion finalement FUNK, mais étirée et répétée est évidemment une des pierres angulaires de ce livre.
Car c’est avec les détails, rares déclarations, petits évènements, échecs ou séparations que l’on comprend mieux la trajectoire d’un groupe, surtout aussi froid et peu loquace que Kraftwerk.
Kraftwerk, la face froide de la DANCE, mais aussi la partie délicate et mélodique de la TECHNO.
ERIC DESHAYES . Kraftwerk . Editions Le Mot et le Reste. 180 pages. 20 Euros. Avec discographie, images et détails de chaque Album.