Retour sur l’oeuvre d’un homme fou de dessin.
Le dessinateur japonais le + connu (avec Hiroshige) fut HOKUSAI : les vues du MONT FUJI, sous tous les angles possibles l’ont rendu célèbre. Vu des champs, des plaines, des ponts, avec au premier plan des cavaliers, des paysans, ou des pécheurs avec des vagues géantes…et au fond, le cône du Mont sacré.
Sa précision, son modernisme, ses compositions ont fait de lui une icône et Van Gogh, Gauguin, Monet, Matisse, Degas seront marqués par les estampes japonaises qu’ils vont intégrer dans la peinture européenne (ce sera le japonisme vers 1900).
N’oublions pas que tout cet art vient de Chine. Les maitres chinois des encres, peintures, dessins avaient déjà posé les règles de cet art précis et léger à travers leurs splendides paysages : équilibre des vides et des pleins, usage des brumes..
Mais Hokusai, qui laissa 30 000 dessins, possède un œil d’aigle, capable d’embrasser d’immenses étendues, mais aussi les moindres détails d’un vêtement, d’une branche ou de l’écume de la mer agitée. On dirait qu’il Re-ORDONNE la nature, les masses de collines ou d’eau, de nuages, et il dynamise chaque planche de graphisme aigu de barques, de gens, de plantes, d’architecture et même d’objets du quotidien parfaitement tracés.
La simplification, l’essence des choses est une composante primordiale. Avec un trait et une couleur, voici une cruche, une botte de foin, un détail dominé par un code minimal, fait d’un trait et de proportions. La justesse schématisée mais vivante d’Hokusai le rend moderne. Certains le disent père des MANGAS, car il savait aussi découper des gestes, des histoires, des actes des positions, des angles, comme un auteur de BD, allant à l’essentiel, à l’éternel.
Les HAIKUS sont l’équivalent en écriture : poème de 3-4 lignes pour décrire une atmosphère, une heure du jour, un paysage, mais surtout une émotion. Les Chinois, puis les Japonais avaient compris que l’on ne peint pas pour faire un trompe-l’œil de la nature, mais une TRADUCTION GRAPHIQUE, comme un schéma parfait des détails du monde, dont l’origine serait les IDEOGRAMMES.
Déjà, la CALLIGRAPHIE voulait atteindre – avec un signe de pinceau – à une expression complète, à la fois lisible, signifiant une lettre ou une idée, mais aussi à un sentiment, une impression qui naît de la forme et du GESTE.
Quand à Hokusai, il traversa maintes époques dans son temps (dit époque EDO). Et pris le temps de s’attaquer à tous les sujets sous une vingtaine de pseudonymes. Ses SHUNGAS ou planches érotiques sont folles et moins montrées : une femme avec une pieuvre géante, ou des hommes avec d’énormes sexes turgescents, aussi soignés dans le détail précis que les branches d’un pin ou d’un saule.
On ne sait plus si l’artiste se sert des légendes ou s’ils les crée, tellement Hokusai est magnifiquement inspiré dans ses compositions, qui deviennent les modèles du genre : on retrouvera ses femmes nues dans DEGAS, ses morceaux d’étoffe dans KLIMT, ses paysages dans GAUGUIN, mais ses vagues restent uniques.
Il est aussi puissant et prolifique que GUSTAVE DORE pour l’Europe. Je me souviens d’un dessin extraordinaire : un typhon a emporté une maison et dans les airs, sur la feuille, tous les objets volent. Livres, sandales, outils, pots, vêtements, une occasion de TOUT représenter dans l’espace. C’est l’idée d’HOKUSAI.
Une autre légende sur la précision du trait raconte que l’on a trouvé jusqu’à CENT feuilles de papier de riz superposées (!), pour corriger un seul trait qui n’était pas JUSTE… (car on n’effaçait pas, on recollait un bout, quitte à le ré-enlever.) Hokusai a même dessiné des cadavres, puis comme Vinci, leur intérieur, les viscères, au grand écœurement de ses contemporains. Malgré leur dégout, il a voulu observer et mémoriser jusqu’à l’invisible, y compris fantômes et chimères.
A certaines époques, pour survivre il dut faire des petits livres – albums, presque pour enfants ou paysans, avec histoires, contes, animaux ou objets. Il fut comme les sages taoistes, un exemple de vie, de simplicité, de travail et d’humour.
_ Exposition Hokusai au Grand Palais . du 1er 0ct 2014 au 18 janvier 2015
_ « Hokusai le fou de dessin » par Henri Alexis Baatsch. 239 pages . 130 illustrations couleurs. Couverture toile . aux Editions Hazan . 25 euros
_ DVD ARTE. Visite à Hokusai . Avec la voix de Fabrice Lucchini