Depuis Montréal, on vous décrypte le plus geek de tous les sports.
Dimanche 13 heures, dans le quartier huppé de Westmount – QG historique de la vieille bourgeoisie de Montréal – un drôle de spectacle s’offre à moi, et aux résidents absents, qui ont probablement préféré se terrer au coin du feu pour éviter d’affronter la rudesse des températures hivernales québecoises.
Lorsque je m’approche du terrain enneigé, j’ai presque l’impression qu’il s’agit de football américain. C’est alors que 7 têtes blondes se tournent vers moi pour m’observer, avec pour chacun leur main entre les jambes dans laquelle est détenue un bâton de bois… Le Quidditch arrive comme une déferlante sur l’Europe, n’en doutez plus. Même nos amis luxembourgeois et hollandais ont inauguré leurs premières équipes fin 2014. Je vous imagine déjà écarquiller les yeux à la lecture de mes premières lignes…
Rassurez-vous, l’objet de cet article est bien sur ce sport magique dans lequel les sorciers se démènent dans les airs du haut de leurs balais de compét‘ ! Pour tenter d’y voir plus clair et de – pourquoi pas – tordre le cou au potentiel comique de ce sport, je suis allée à la rencontre du jeune capitaine de l’équipe de l’UQAM (Université du Québec à Montréal), Rithy Minh, afin qu’il nous familiarise à cette activité unique… Devinez quoi? Il déteste l’univers Harry Potter.
Nous n’en sommes pas de farouches défenseurs non plus, ça tombe bien! Bon, c’est vrai, initialement, on aurait tendance à ricaner de la singularité de la discipline, mais nos âmes sportives en quête de sensations fortes sont très vite séduites! Entre geekerie présumée et discipline musclée, le Quidditch est une affaire sérieuse.
Dans le livre, j’avais beaucoup de mal à imaginer un match de Quidditch . Avec, notamment, la présence de 5 balles sur le terrain, 6 arbitres et une diversité de postes, ce sport semblait être d’une complexité inouïe. N’en déplaise à une bande d’étudiants de l’université de Middleburry, qui ont relevé le défi avec brio. C’est pour occuper leur dimanche après-midi qu’ils se sont retroussé les manches pour adapter ces règles. Même formation que dans le livre : le poursuiveur et le gardien essaient d’envoyer le souaffle à travers les anneaux adverses.
Les batteurs, eux, s’affairent à éliminer le plus grand nombre de joueurs de l’autre camp. Tout ce petit monde joue avec la présence d’un balai entre les jambes, clin d’œil ultime à l’égard de HP et sa team. Pour continuer sur le côté farfelu de l’activité, le vif d’or est, quant à lui, une personne physique, et non une balle… Là encore, son utilité dans le jeu ne change pas. Même s’il est affublé d’une drôle de combinaison jaune, ce personnage peut être la clé d’un match réussi! Dans la réalité, un bon vif d’or est un vif d’or neutralisé – soit attrapé rapidement – puisqu’il affectionne particulièrement perturber le jeu et pratiquer de violents plaquages!
Grande différence encore avec les têtes blondes hollywoodiennes qui s’affrontent en virevoltant dans les airs… Notre expert Ritthy, le confirme : « Le Quidditch est un sport « full contact », un joueur qui a la balle va se faire plaquer. C’est quasi obligatoire. » Les mordus de cette saga se rappelleront peut-être que J.K Rowling avait créé Viktor Krum, célèbre joueur de Quidditch, qui est l’incarnation pure de la figure over-masculine et violente de l’athlète.
Peut-être une vision prémonitoire de ce que ce sport pourrait être en réalité? Difficile d’imaginer qu’elle ait pu envisager que nos joueurs modernes décident de conserver consciemment le balai sur le terrain. Lorsque j’ironise sur cet aspect comique primordial, Rithy me répond en toute simplicité : « Si on enlève le balai, le sport va devenir très violent, parce que nous n’avons aucun handicap dans cette discipline, contrairement au basket ou au football par exemple. Au début, c’est très dur de le garder entre les jambes… » Tu m’étonnes!
Pour faire simple, le Quidditch est aussi intense que le football américain, mais il nécessite le port d’un accoutrement un peu plus original, et surtout que l’on évite de trop se prendre au sérieux. « La communauté est vraiment fun et soudée », nous explique Rithy. Finie l’image bling-bling du quarterback idiot, vénéré sur les bancs de la fac. Ces extravagances ont l’avantage de séduire une population suffisamment ouverte d’esprit pour accepter toutes ces contraintes stylistiques. Puis, le caractère récent de cette activité produit un investissement important de la part de la communauté afin d’en faire un sport viable et fiable… Depuis sa naissance, chaque année au cours de l’été, le nouveau livre des règles sort en tenant compte des adaptations quant à certaines situations pratiques déséquilibrées. Le sport universitaire est un des secrets de l’expansion du Quidditch outre-Atlantique et dans d’autres pays de tradition Commonwealth, comme l’Australie, le Royaume-Uni, le Canada… C’est aussi cette composante qui est responsable qu’en Europe, l’activité est moins répandue. Le sport dans les universités françaises n’est pas primordial comme chez nos homologues anglos. Toutefois, la France a initié en 2012 les premiers balbutiements de cette discipline, et compte de plus en plus de formations de nos jours.
Que ce soit à Toulouse, à Nantes, ou même les Frogs ou les Phoenix parisiens, le cru français existe bel et bien. D’après l’avis de notre expert, il faut compter 5 ans pour qu’une équipe prenne ses marques et devienne efficace dans les compétitions. Sachez que la première Coupe de France de Quidditch a été organisée les 6 et 7 décembre derniers à Viroflay.
Si la perspective des balais et des accessoires farfelus ne vous rebute pas, il est encore temps d’inscrire vos enfants… Bientôt, le sport deviendra olympique et vous pourrez vous vanter d’avoir fait partie des pionniers… Le cas échéant, vos enfants vous en voudront peut-être toute votre vie de leur avoir fait endurer toutes ces excentricités!