Cette comédie a quelque chose de follement jouissif et de cathartique.
Les Nouveaux Sauvages nous fait l’effet d’un film cathartique, et chaque fois que le déraisonnable pointe son nez, que les personnages perdent tout sang-froid et deviennent ainsi des animaux guidés par un instinct de folie – on rit. On rit franchement, en savourant une sorte de revanche sur la vie et sur les nombreuses fois où nous n’avons pas osé débrancher un à un tous les plombs du bon sens respectueux.
Ce film argentin et espagnol, produit par les Almodovar et réalisé par Damián Szifron, est découpé en une série de portraits qui déclinent chacun à leur manière l’idée de la sauvagerie, de la violence, de la vengeance, de la folie à effet boule de neige. Evidemment, il y a quelque chose de vulgaire au fait d’exposer l’homme dans cette affreuse position de monstre sans état d’âme et le film s’amuse de sa proximité avec l’esthétique des séries B. Mais il y aussi quelque chose de purement jouissif (on pense à la scène du mariage, où les héros échappent au dramatique de très peu) dans ce chaos total. Les conventions, la bienséance, le raisonnable ou la normalité n’ont plus aucun sens – et on ne peut s’empêcher d’exploser de rire chaque fois qu’un nouveau plomb saute.
Plus important encore, l’obscénité revendiquée nous rappelle celle des films italiens, qu’on pense aux Nouveaux Monstres de Risi, Monicelli et Scola – ou plus simplement aux affreux, aux sales et aux méchants qui peuplent les films des années 60 et où l’on n’a pas besoin de rendre l’homme sublime. Si les choses ont changé depuis cette époque, le propos de ce film est tout à fait moderne : les personnages sont coincés dans la société très actuelle de consommation, verrouillée par l’administration, la corruption, l’autorité, et se débattent avec leur petit destin.
Servie par des acteurs formidables et en furie (évidemment Ricardo Darin, mais aussi Érica Rivas ou Dario Grandinetti) cette comédie, qui pourrait basculer à tout instant dans le sordide si on ne riait pas si franchement, nous fait du bien. Certes elle nous rappelle que l’homme est un animal follement sauvage. Mais cette bestialité ne condamne en rien l’humanité, elle ne fait que la rendre un peu plus dingue et colorée.
Les Nouveaux Sauvages – écrit et réalisé par Damian Szifrón. Avec Ricardo Dain, Oscar Martinez, Erica Rivas, Leonardo Sbaraglia