Moranbong Band est le groupe préféré de Kim Jong Un, et par conséquence, de la Corée du Nord.
Alors que la Corée du Sud est réputée à l’international pour sa K-Pop, colorée et extrêmement joyeuse, sa voisine du dessus exporte beaucoup moins de disques. De fait, quand on pense à la musique nord coréenne, on a souvent en tête ces formations de très jeunes concertistes qui bien qu’extrêmement brillants effraient plus qu’ils n’émeuvent.
Et si l’on connaît peu de chose de cette République Populaire Démocratique de Corée, on sait l’importance de l’éducation musicale dans la société. Ainsi, la pratique d’un instrument est encouragée notamment parce qu’elle permet de promouvoir la tradition classique (qui d’ailleurs s’exporte dans les conservatoires mondiaux) et l’image d’un peuple talentueux et docile jusqu’au bout du mediator.
Mais Kim Jong-un sait aussi qu’il est devenu quasiment impossible de ne pas évoluer et entend, depuis quelques années, favoriser une musique pop, jeune et moderne. Pour ce faire le leader suprême a donc fait de Moranbong Band le plus grand (et le seul) groupe pop du pays. Cette formation de 18 jeunes filles, chacune sélectionnée par le leader lui-même, a en effet été créée de toute pièce en 2012 par le régime pour répondre à une certaine demande (rappelons qu’à la même époque le chanteur sud coréen Psy crée le plus grand hit du monde avec son « Gangnam Style« ).
Et ce Moranbong Band a le mérite de surprendre : exit les tenues traditionnelles, les filles sur scène sont en mini jupes et talons hauts, tenue pourtant considérée comme indécente par le régime, et les titres des morceaux sont en anglais, signe de la volonté de diffusion sous-jacente au projet. Ainsi comme un journaliste du Telegraph l’a très justement écrit, quand on regarde les vidéos, on pense davantage à une groupe sélectionné pour l’Eurovision qu’à un orchestre dictatorial.
Evidemment, à y regarder de plus près la scénographie est là pour nous remettre les idées en place : derrière les violons et les guitares électriques roses, on peut voir des missiles qui font exploser le monde, des images du leader suprême. Tout est millimétré, des reprises qui sont des reprises de certains hits des années 80 aux fonctionnaires qui se « bousculent » pour danser et mimer une foule en délire.
Surtout, il faut comprendre que ce n’est pas la première fois que le régime crée des groupes pour tenter de s’imposer dans la région (certains artistes s’exportent en Corée du Sud ou en Chine) ou à l’échelle mondiale. Ainsi en 1979, le pays s’était déjà lancé dans la disco dansée en créant le groupe Wangjaesan Troupe qui chorégraphie des titres ultra pop et célèbres, par exemple ici le « Moskau » de Dschinghis.
Dans les années 1990, le régime a également inventé le titre « Don’t Ask My Name » qui est un des plus grands hits du pays. Dans le clip qui était destiné au public mondial, on découvre une jeunesse presque normale, où l’on se drague et où l’on surfe sur internet.
Ainsi, à chaque décennie le pays a tenté de créer des groupes écrans, qui font figure de rock stars locales et qui doivent laisser penser qu’il règne une liberté d’expression et de création. Mais à notre époque où la mondialisation et l’assimilation culturelle (qui neutralisent sans doute les particularités et les traditions) sont devenues la norme, cette culture qui a poussé en laboratoire ne trompe personne. La Corée du Nord n’est pas plus libre qu’avant et les 18 musiciennes sont aussi heureuses que des ouvrières qui travailleraient à la chaîne. Nous sommes encore loin d’entendre un hit de NK-Pop à la radio (grand bien nous en fasse?) mais toute cette cérémonie a le mérite de nous permettre de comprendre un peu mieux ce régime qui fonctionne en huis clos depuis près de 50 ans.
Via MessyNessyChic