Francis Masse ou la corne d’abondance.
J’ai découvert les bandes dessinées de Masse dans ACTUEL en 1973. Je venais d’entrer dans l’équipe, et je commençais mes parodies tous azimuts. Mais Masse était imparodiable : ni pastiche, ni détournement, car c’était déjà contenu dans son travail !
Tout le monde appréciait ses dessins : tout en gris, en hachures, en croisillons, en ombres, en « valeurs » comme on disait aux Beaux Arts. Il était à la fois GUSTAVE DORE pour son côté gravure, MAGRITTE pour le surréalisme et les chapeaux melons ou MOEBIUS pour les univers sans limites et les croisillons faits à la plume…
On sentait de multiples influences, ou plutôt une culture protéiforme, qui lui permettait de « faire penser à » untel ou untel, mais tout en restant à part, unique et parfaitement indépendant . Je sais, ça à l’air confus, ou touffu comme ses dessins , alors il faut regarder ses bonshommes à lunettes sans regard, ses silhouettes en imper gris, ses décors infinis ( comme les prisons de Piranèse) .
Francis Masse, également sculpteur, cinéaste, animateur… est trop cultivé, il faut suivre ses méandres en se laissant porter, surprendre, au delà de toute réalité, scénario ou même morale : tout lui est bon pour avancer, case après case…( auteur post logique, à la COPI .)
ACTUEL le mit en couverture (L’autoroute des freaks) grand honneur auxquels seuls TOPOR, MANDRYKA, GOTTLIB et moi-même avons accédé, entre deux couv de CRUMB, omniprésent, et pas mal de gravures et illustrations détournées .
MASSE donc, sorti de nulle part, ou plutôt de Gap (hautes Alpes) ou il est né, Beaux Arts à Nancy, puis animation à Grenoble, on sent le dessinateur acharné, son dessin « tramé » est sa marque de fabrique, son univers apparemment absurde est cohérent si on accepte de s’y plonger, car il y a une sorte de grâce, de « magic touch » en lui .
Les revues de BD ne s’y sont pas trompées et toutes l’ont publié, admirant son univers de graveur ( le papier qu’il emploie lui permet de faire des effets de carte à gratter avec des réserves en blanc sur noir)
Bref, ce lascar n’est pas facile à réduire, à expliquer, car il a dépassé le scénario classique pour basculer dans un monde onirique ( un peu à la MONTHY PYTHON / Terri Gilliam , mâtiné de MAX ERNST… Et en plus, Francis Masse est beau, une sorte de viking occitan, aussi rare que son Art .
LA NOUVELLE ENCYCLOPEDIE DE MASSE – tome 2. 312 pages. 24×32 cm