Une seule réclamation, le droit à la dignité…
Un hôtel invisible de l’extérieur accolé à un immeuble en ruine caché par une vague palissade recouvert d’affiches, juste au coin de la rue de Charonne, nous sommes à Paris en plein Boboland, je passe tous les jours devant et je n’avais jamais imaginé que cette façade abritait tant de misères. Après avoir été alerté par un article paru dans libération, je m’y rends avec une amie pour rencontrer les chibanis. Chibani à Oran désigne les vieux, ceux qui ont des cheveux blancs, une chanson populaire les mentionne : « dour biha ya chibani » et Jean–Louis Borloo en avait fait son cheval de bataille, en vain ! La preuve, en 2014 on reparle de ces laissés-pour-compte qui, après avoir travaillé, cotisé à la retraite sont souvent malades et restent comme figés sur place afin de conserver leurs droits, « sans adresse tu es foutu, tu n’existes pas me rétorque un chibani rencontré place du palais royal lors d’une manifestation du DAL (droit au logement)
Nous passons et repassons avant de percuter qu’il s’agit bien du bon numéro de la rue du faubourg St Antoine, nous sommes accueillis par deux chibanis, souriant et visiblement heureux de nous parler et nous raconter cette vie de galère, Mohamed Amrouni nous invite à visiter sa chambre, nous le suivons « c’est au quatrième, vous allez faire du sport » ironise notre interlocuteur, je remarque des extincteurs dans les couloirs, et au bout d’un dédale une porte coupe-feu, nous arrivons enfin dans sa chambre, je filme en prenant mon temps , il reste impassible avant de répondre à mes questions ! Il est arrivé en France en 1968 et vit dans cet hôtel depuis 1999, il sera à la retraite dans deux mois et vit dans 8 mètres carré sans douche et sans toilettes, toute la misère du monde se lit dans son visage d’ancêtre.
Après notre échange, nous nous donnons rendez-vous le lendemain au Palais-Royal pour une manifestation lancée par le DAL (droits au logement) , là je rencontre les chibanis transfigurés par la foule venue les soutenir, en effet plus que tout autre chose c’est de dignité qu’ils ont besoin et cette solidarité visible , ces visites à leur hôtel de citoyens anonymes leur ont donné une énergie et une confiance qui ne seront pas démentis puisqu’aux dernières nouvelles la mairie de Paris s’engage à trouver une solution (relogement, rachat et réhabilitation de l’hôtel).
Pour maintenir leurs droits, il leur faut impérativement une adresse en France, ils ont cotisé toute leur vie, sécu, caisse de retraite etc … et au moment où ils sont fragilisés par l’âge, ils devraient renoncer à ce qu’ils ont payé ? Jean-Louis Borloo, en son temps avait défendu le dossier des chibanis sans résultats comme le prouve ces archives de La Chaine Parlementaire
Et ce 20 février 2015, alors qu’une proposition de relogement avait été lancée, les CRS ont commencé l’expulsion des Chibanis à 7h du matin. Le Courrier de l’Atlas en suit l’actualité :