Entre politique et humanisme, une immersion dans un centre d’accueil de nuit…
Au centre Saint Jean de Dieu à Forbin, en banlieue de Marseille, on accueille chaque soir trois cents hommes. Pas un de plus, pas un de moins. Le 301e arrivé pour s’inscrire à beau protester, ergoter, négocier, qu’il y a bien un coin où il pourrait passer la nuit dans l’établissement, il ne pourra pas entrer.
Emmanuel Gras et Aline Dalbis ne filment pas tant dans 300 hommes un état des lieux de la précarité que celle d’une négociation entre le politique et le social, via les paroles de ces pensionnaires d’un soir et l’équipe du centre.
Ce n’est pas pour rien si certaines scènes de ce documentaire se déroulent dans la cour du bâtiment, parfois sous les branches d’un arbre : la sensation d’une agora, d’un lieux où les voix et les mots se libèrent.
Pendant que ces 300 hommes parlent de tout et de rien, vont de l’anecdotique au fondamental, Gras et Dalbis les regardent et les écoutent, parce que ce flot de parole est devenu le seul lien de ces naufragés de la sociétés, le centre est pour eux une bouée à laquelle ils s’accrochent tant qu’ils peuvent.
Cette plongée dans un univers masculin, qui veut évidemment parler de l’Homme, et de son sentiment d’exclusion. Mais aussi des bases de ce qui fait une communauté. Entre autres l’idée de règle, donc de loi. Mine de rien 300 Hommes raconte ses paradoxes, quand elle est nécéssaire pour poser un cadre mais aussi quand elle infantilise des gens qui ont décroché.
Un raisonnement poussé au bout lorsque les règles de ce centre, deviennent aussi un sujet de discussion entre les sans-abris et l’équipe du centre, quand chacun se définit par elle, jusqu’à finalement ne plus exister que par elle. Tenter de la contourner, de la négocier c’est une manière de rappeler que l’on est un individu dans un lieu qui héberge une masse humaine, finalement indistincte.
C’est cette masse que l’on prend dans la gueule : 300 Hommes ne raconte pas l’avant, ni l’après de ces sans-abris. Qui sont-ils vraiment ? Qu’elle est l’histoire de leur vie ? On ne le saura pas. Pas plus qu’on aura d’indication de Gras et Dalbis qui ne commentent pas leur film, pas de voix-off, pas de musique. Juste l’immersion parmi ces personnes, dans ce centre qui prend des airs organique de ventre du monde.
Avant de chercher à comprendre, à analyser, 300 Hommes se veut un film de sensation, d’incarnation par cette incroyable polyphonie, de la condition des délaissés redevenus des anonymes parmi la foule.
En salles le 25 mars