La chronique de Jean Rouzaud.
Les Éditions Zones ont le courage d’insister sur le grand écueil de notre prétendue civilisation : produire trop, consommer trop et risquer gros !
L’auteur Razmig Keucheyan, prof de sociologie à Bordeaux, a le mérite de dégager quelques idées « pour en sortir »… Car les producteurs de tous les biens disponibles n’ont toujours pas l’air préoccupés par les limites et les ravages de leur action.
Dans l’ordre des chapitres : acheter est devenu une compensation et un drame du gaspillage. L’être humain est-il mal fait ?
Comme les alcooliques anonymes, il faut aider les accros au shopping à s’en sortir
Comme les alcooliques anonymes, il faut aider les accros au shopping à s’en sortir, avec prise de conscience et aide de « parrains », au sein de groupes ! Aidons-nous les uns les autres, on n’a pas trouvé mieux !
Analyser l’histoire des besoins et leur dérive. OUI, car depuis le charbon, pétrole et autres combustibles, le capitalisme sauvage s’est petit à petit imposé, mettant en place un système fermé et blindé, sans aucune autre barrière que la concurrence.
Un chapitre s’en prend à la « lumière », à l’éclairage, au gaspillage et au « droit à la nuit », l’obscurité naturelle. Revoir les étoiles, sans le bouclier de l’éclairage-esclavage (!) lié à la peur et à la surveillance de chaque recoin ? Au point que le moindre télescope doit s’exiler en territoire désert et élevé pour y voir clair !
Obsolescence programmée, extensions de garantie, pièces irrécupérables…
Cet essai s’en prend aussi à l’« obsolescence programmée » et à l’abus inimaginable des « extensions de garantie » : au cas où il casse vite, on nous fait payer un objet deux fois… et en avance ! La voracité du système du marché mondial est sans limite !
L’union des consommateurs en grandes organisations est le seul moyen d’attaquer efficacement les publicités mensongères, imposer par la loi des garanties à dix ans, et exiger qualité et réparabilité des objets, ainsi que l’obligation de procurer des pièces de rechange !
Et cela relancera le retour des réparateurs, et cassera le fait de jeter des objets soi-disant irréparables. À ce propos, la réparation et le démontage par pièces de rechanges va devenir une obligation absolue sur les téléphones portables : recyclage ou pénurie, on en est là !
Les grands fabricants, atteints de furie productive, en sont à utiliser des expédients à court terme et des méthodes de mafia pour se maintenir et se procurer métaux et terres rares (et bientôt plastiques) par n’importe quel abus…
Dans ce petit précis d’avertissement se dessine des solutions (politiques, légales, économiques, historiques, sociologiques) car nous arrivons péniblement au temps du blocage, de l’intolérable, décrié par tous les médias, malgré le rempart de faux experts…
Une autre idée de cet essai est de sortir l’Art (!) du domaine de la spéculation. Empêcher que les œuvres ne deviennent les outils de la « financiarisation » de l’Art, avec des prix monstrueux et absurdes, fixés par les grands argentiers, comme valeur refuge ou d’échange !
Le temps des pillages et des crimes, le mépris des pays du sud (ce qu’on appelait honteusement le tiers monde), la nature en guerre par la force des extractivistes (le pillage de tout ce qui est extrait de notre planète, de l’eau au bois, du sable au pétrole, rien n’y échappe !) est en train de finir par épuisement ou révolte.
Enfin, il est dit que nous sommes consommateurs ET producteurs, c’est aussi à nous de lutter, limiter, discuter, stopper ce qui est déjà en notre pouvoir, ou par tous les moyens imaginables.
Les besoins artificiels. Comment sortir du consumérisme. Par Razmig Keucheyan. Éditions Zones (La Découverte). 208 pages. 18 euros.
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