“Ali et Ava”, le nouveau film de Clio Barnard, connecte comédie romantique et racines shakespeariennes autour de la rencontre entre une assistante sociale, irlandaise et un chauffeur de taxi d’origine pakistanaise.
Il faudra bien un jour percer le mystère du cinéma social britannique. De Ken Loach à Andrea Arnold de The Full Monty ou Billy Elliott et bien d’autres. Il y a un savoir-faire inexplicable pour partir de la réalité des classes ouvrières pour les transcender en récits admirables ; pour malaxer un contexte et toujours en extraire une fibre humaniste. Une alchimie qui n’appartient qu’à ce cinéma-là jusqu’à en être devenue son ADN. Ali & Ava le nouveau film de Clio Barnard, connecte à la fois comédie romantique et racines shakespeariennes autour de la rencontre improbable entre une assistante sociale, irlandaise jusque dans les recoins de son accent, et un chauffeur de taxi d’origine pakistanaise.
Il y aurait du Roméo et Juliette contemporain dans Ali & Ava ?
Il y a de ça dans cette confrontation des cultures, une romance qui tiendrait encore aujourd’hui du sacrilège. Pour autant Ali & Ava se détache du destin funeste des Capulet et Montaigu. Que cela soit par une volonté claire de ne pas aller jusqu’au tragique, ou simplement pour le principe de se pencher sur des vies et des drames ordinaires. D’aller voir comment Monsieur et Madame adressent la complexité des questions culturelles ou raciales. Dans Ali & Ava, le “&” fait toute la différence en exprimant autant la difficulté d’être soi dans un groupe défini, que ce qui finit par réunir deux solitudes. Barnard a ainsi l’intelligence de conjurer le fatalisme ou la noirceur qui pourraient prendre le dessus par des touches d’humour et de douceur. Si Ali et Ava ont chacun vécu des épreuves qui les marquent encore, pourquoi faudrait-il en rajouter ? Il sera aussi question de musique dans cette histoire. Loin d’être les perdreaux de l’année, ces deux-là deviendront tourtereaux en s’éduquant l’un et l’autre à leurs goûts en la matière. folk et country pour elle, electro-pop et punk pour lui. Barnard imprègne aussi son film de ce multiculturalisme-là, n’ayant pas peur d’enchaîner les scènes confites dans l’eau de rose et d’autres qui mettent les doigts dans la prise d’une énergie juvénile. Et sans que cela soit jamais contradictoire ou prenne des airs de douche écossaise.
En creusant des trouées lumineuses dans la grisaille d’un potentiel drame vers un inattendu et irrésistible feel-good-movie, Ali & Ava a tout de l’électrisant coup de foudre de spectateur qui illumine les salles obscures depuis le 2 mars.