Sans Douglas Trumbull, des classiques comme « 2001 », « Blade Runner » ou « Rencontres du 3e type » ne seraient jamais devenus les immortels classiques qu’ils sont. Trumbull y a révolutionné les effets spéciaux pour en faire une science.
Même si la semaine cinéma est particulièrement dense cette semaine (il y en a pour tout le monde, de ceux qui veulent s’intéresser à l’éthique journalistique ou politique avec Enquête sur un scandale d’état aux détracteurs de Marguerite Duras qui se réjouiront de voire déboulonner sa figure de monstre sacré pour devenir une créature toxique dans Vous ne désirez que moi. Mêmes les amateurs de film catastrophe aussi neuneu que rigolo ou de bonne comédie française ne seront pas volés avec Moonfall et Les vedettes), cette chronique va cependant baisser le rideau sur l’actualité salle pour raison de deuil, car Douglas Trumbull est mort.
Douglas qui ?
Bonne question. Elle est légitime et normale quand Trumbull fait partie de ces génies de l’ombre, des piliers invisibles qui ont contribué à faire devenir des films légendaires. Sans Douglas Trumbull, des classiques comme 2001, odyssée de l’espace, Blade Runner ou Rencontres du 3e type ne seraient jamais devenus les immortels classiques qu’ils sont. Trumbull y a révolutionné les effets spéciaux pour en faire une science.
À l’époque ou l’ordinateur et les images de synthèses n’avaient pas encore rendu illimitées l’imaginaire visuel, lui avait magnifié par l’art des transparences et des maquettes la part d’illusionnisme des films à grand spectacle. Avec Trumbull, un Kubrick, un Ridley Scott ou un Spielberg pour ne citer qu’eux pouvaient voir plus loin tout en restant crédibles, organiques. Mais Trumbull ce n’était pas qu’un exceptionnel technicien. Il y avait quelque chose chez lui de l’expérimentateur indépendant, du laborantin explorateur des possibles. Mais surtout d’un outsider de génie, sorte d’aventurier libertaire de la technologie. Notamment en inventant des formats révolutionnaires comme le Showscan, fabuleux procédé de projection hyper réaliste au point de devancer de trente ans l’Imax ou le dolby atmos, d’être une sorte de relief visuel et sonore sans lunettes. Ou en amenant dans Silent running, un des deux seuls films de fiction qu’il a réalisés, scénarisé par Michael Cimino, l’esprit du Nouvel Hollywood dans un huis clos intime de science-fiction teintée d’écologie.
Même quand la part visionnaire de ce Barnum extrayant de la poésie de ses expériences, s’est heurtée à une hiérarchie hollywoodienne qui n’a pas voulu de ses extraordinaires trouvailles, Trumbull ne s’est pas déparé de son côté professeur Tournesol/Géo Trouvetou mettant en pratique dans son studio laboratoire au fin fond d’un bois du Massachusetts, d’incroyables prototypes. Ces dernières années, il était réapparu en fabriquant pour Terence Malick les stupéfiantes séquences de genèse du monde dans Tree of life, à partir d’images scientifiques et d’abstractions, mais il planchait surtout sur un concept qui aurait pu être une nouvelle révolution copernicienne du cinéma, des salles mobiles ou auraient été projetés des films dans un nouveau format, le Magi, encore plus immersif que James Cameron n’y arrivera jamais pour les prochains Avatar. Quelque chose qui aurait tenu du futur dans l’expérience de spectateur et d’un retour aux sources en revenant au principe d’attractions foraines du tout début du 7ᵉ art. Avec la disparition de Trumbull, il y a effectivement de la magie du cinéma qui se perd.