Il se passe décidément quelque chose du côté du cinéma fantastique nordique.
Il y a quelques mois, l’Islande envoyait une surprenante carte postale avec Lamb, et son enfant-agneau. Et voilà qu’un autre drôle d’animal débarque de Finlande dans Ego. Un oiseau gigantesque, qui prend peu à peu les traits de Tijna, une adolescente mal dans sa peau.
Tout part de la découverte d’un curieux œuf, que cette gamine va couver. Mais Ego tient surtout d’un jeu tordu de poupées russes. Puisque sous la coque de cette histoire de dopplegänger, ces doubles maléfiques, se dissimule surtout une cellule familiale qui se fissure progressivement. Notamment autour d’une mère qui veut modeler sa progéniture à son image, physique comme sociale.
Mais visiblement, Ego ne veut ressembler à rien ni personne d’autre…
Effectivement, en croisant le terrain d’un David Cronenberg et son obsession sur les mutations corporelles. Avec la possible obsolescence des sentiments qu’elles engendreraient, et un univers de teen movie rose bonbon peu à peu entaché par du rouge sang. La réalisatrice Hannah Bergholm fait sortir de cette inattendue coquille, un discours audacieux autour de la féminité.
À se demander ce qui est le plus tranchant dans Ego. La manière dont Tijna rompt le cordon avec sa mère ? Ou le portrait d’une femme qui considère son enfant comme un accessoire à la mode ? Bergholm rajoutant à ce malaise, un humour nordique et particulièrement froid. Que ce soit dans l’environnement aussi kitsch que glacé de cette famille, ou cette combinaison d’empathie et de délires freudiens.
Ego couche donc sur le canapé une collection de névroses modernes. De l’atavisme générationnel à la double dictature de l’apparence et de la perfection.
Bergholm attaquant le tout à coups de becs acérés, pour lui voler dans les plumes. Mais aussi confirmer les éclosions inattendues et l’envol d’un cinéma fantastique d’Europe du Nord. Actuellement plus surprenant que ses voisins géographiques. Seul bémol, l’absence de passage en salle pour ce film singulier, qui n’aura trouvé en France qu’une sortie en Blu-Ray pour faire son nid. Mais puisque c’est le seul moyen de le voir ici, alors, comme on disait dans les cours de latin : ego te absolvo.