Placée sous le signe des femmes, cette édition se verrait bien tuer les pères…
Quel que soit le palmarès à tomber samedi soir, la palme de cette édition ne sera pas à décerner à un film, mais à un sujet. Il planait sur le festival depuis plusieurs années, mais la question de la représentation et de la place des femmes s’est très clairement imposée cette année, que ce soit dans les discussions (parfois houleuses) toutes sections confondues, une présence accrue de films réalisés par de femmes, quand ils ne faisaient pas de la condition féminine leurs sujets. Parfois avec des effets miroirs renforçant la sororité, par exemple avec l’involontaire triplette documentaire Les filles d’Olfa (Compétition), La mère de tous les mensonges (Un certain Regard), Machtat (ACID) fait un état des lieux maghrébin en recueillant la parole de filles et mères tunisiennes ou marocaines. Ou le nombre de films disséquant la figure du couple pour contester son modèle sexuel (motif récurrent à la Quinzaine des cinéastes – Creatura, The feeling that the time for doing something has passed , Blackbird Blackbird blackberry– attenué par des mises en scènes un brin poseuses ou des scénarios enfonçant des portes ouvertes) social ou parfois les deux (Anatomie d’une chute – Compétition). Et pas forcément d’une manière finaude comme l’a illustré Firebrand/Le jeu de la reine (Compétition), réécriture des amours d’Henry VIII transformée en survival #MeToo, aux effets bourrinements appuyés jusqu’à un caricatural regard face caméra en dernier plan anéantissant le propos.
Plus léger, Le syndrome des amours passées (Semaine de la critique) est pour la paix des ménages via un pitch équitable – pour avoir un enfant, un homme et une femme, en couple doivent retrouver et recoucher avec tous leurs ex. En dépit d’un certain charme et d’une parfaite double interprétation (Lucie Debay, Lazare Gousseau), ce regard belge s’étiole dans une structure répétitive ou une pudeur cache-sexe.
Curieusement, à l’arrivée, le film le plus ouvert du lot est réalisé par un homme. Avec Conann (oui avec deux N), Bertrand Mandico poursuit sa construction d’un univers singulier, à la fois cinéphile fétichiste ( les citations directe ou indirectes, de Fassbinder au tout juste disparu Kenneth Anger- abondent) et plasticien orgiaque. Conann transfère le personnage popularisé par Arnold Schwarzennegger à cinq femmes le jouant à divers âges de la vie. Du cinéma transformiste et opératique – énorme performance d’Elina Lowensohn, en cerbère des enfers et fil rouge du film – qui ne cesse pourtant d’interroger l’époque et ses dérives, pour assurer, avec une mélancolie nouvelle chez le cinéaste, que même s’il devenait féminin, le monde ne sera jamais à l’abri d’une dévorante barbarie. Pour preuve, si Conann tue le père en détournant les romans virilistes de Robert E.Howard, ici pour s’accomplir, il faut manger les mères…