Avec les films de Quentin Dupieux se pose toujours une question : qu’est ce qu’on a le droit d’en dire en amont que le public aille les voir ?
La faute à des pitchs improbables côtoyant le surréalisme (on parle quand même d’un gars qui avait inventé un pneu serial killer pour Rubber ou une mouche géante à domestiquer dans Mandibules) ou à des situations tellement énormes que les révéler tiendrait du méga-spoiler. Alors qu’est ce qu’on peut dire d’Incroyable mais vrai ? D’abord le minimum sur son postulat, autour du secret que contient une pièce d’une maison fraîchement achetée par un couple de quadras banal.
Mais surtout lever le véritable lièvre qui se planque ici. A savoir qu’Incroyable mais vrai est sans doute le plus accessible, le plus lisible des films de Dupieux, tout en ne désertant pas son univers usuel. C’est même probablement celui qui allie le mieux ses deux versants habituels : l’absurde d’intrigues qui font basculer le naturalisme dans une autre dimension et une constante plus souterraine autour des névroses des personnages.
Plus troublant, Incroyable mais vrai amène à penser que Dupieux baratine quand il déclarait qu’«Il n’y a rien de plus beau dans l’art que de ne pas réfléchir » ou quand il affichait directement comme mode d’emploi de son travail, par exemple dans Rubber, une séquence où un policier lâchait un « no reason » à toutes les demandes d’explication. Incroyable mais vrai en fait une façade qui s’effrite devant une pertinente méditation sur la vieillesse et le couple. Sans rien en dire de plus, il est question ici d’un tunnel.
Il n’est pas impossible que Dupieux, réalisateur qui s’est toujours refusé à décortiquer le sens de ses films, s’y dissimule pour se laisser aller à certaines confidences, d’un rapport aux contes (Incroyable mais vrai n’est pas sans passerelles vers Alice au pays des merveilles ou Le portrait de Dorian Gray) à une réflexion personnelle sur les vaines vanités des hommes et des femmes. Il n’est d’ailleurs pas impossible que ce film-là en dise trop sur Dupieux, qu’il ne soit qu’une parenthèse. Pour preuve, le suivant, Fumer fait tousser, présenté au dernier festival de Cannes remet déjà le masque du burlesque et de la déconne. Incroyable mais vrai, film plus profond que son mystérieux tunnel, n’en est que plus touchant : incroyable par son postulat (et ses quatuor de comédiens, Alain Chabat, Léa Drucker, Anaïs Demoustier et Benoit Magimel), émouvant dans l’impression d’enfin toucher au vrai d’un réalisateur plus philosophe que prévu.