En 2001 sortait un cas des plus singuliers.
Le pacte des loups s’essayait à la fois à renouer avec une tradition du film d’aventures à la française, tel qu’il s’en était produit entre les années 50 et 70, tout en y incorporant les codes d’une contre-culture, des mangas au jeu vidéo qui s’était imposée ensuite. Toute la cinéphilie de Christophe Gans, à la fois spectateur aussi érudit que boulimique et gardien du temple d’un cinéma populaire, de Bruce Lee aux giallos en passant par les films d’épouvante, mais longtemps méprisé par l’intelligentsia critique, nourrissait un projet hors norme.
Surtout dans ce début d’années 2000, ou la production française stérilisée par le formatage des chaînes de télévision, devenues ses principaux financiers, pensait le cinéma de genre sous l’égide d’une économie au rabais, de série B. Le pacte des loups faisait office d’inattendu prototype en voulant renouer avec le réservoir à histoire d’un folklore local, en partant de la légende de La bête du Gévaudan tout en l’adaptant à la mondialisation culturelle geek en cours.
Tout partait donc d’un fait divers du XVIIIe siècle. Mué en légende urbaine autour d’un monstre fantasmé par les populaces pour arriver à un film monstre. Par sa production d’abord, gonflée par un Canal + en plein rêve hollywoodien. La chaîne qui venait de racheter le studio Universal voulait rouler des mécaniques, montrer qu’on pouvait rivaliser avec les blockbusters made in Usa. Par son tournage ensuite, parsemé d’embûches, qui débordera sur plus de cinq mois au lieu des trois initialement prévus. Il y avait tout pour arriver à une catastrophe, écrire une autre légende, celle d’un cinéma français boursouflé par la folie des grandeurs. Ce ne sera pas le cas, Le pacte des loups sera un des gros succès de l’année et bâtira une autre réputation pour le cinéma français à l’étranger que les productions Besson.
Il reste pour autant une énigme autour de ce film quand il ne s’est rien passé ensuite. Ou presque. Quand cet exemple d’une possible réinvention d’un cinéma de genre à grand spectacle français, n’a pas été suivi de sa réindustrialisation. La signature de ce pacte là n’aura pas été renouvelé par l’industrie, préférant revenir à un modèle économique plus cheap, moins audacieux. Aujourd’hui, Le pacte des loups ressort, dans une version restaurée. Au-delà de sa beauté plastique, c’est l’avance sur son temps qui en ressort. Evidemment en vingt ans, certains effets spéciaux ont un peu vieilli, mais l’anticipation de fusions culturelles saute aux yeux, Le pacte des loups parlant sans soucis aux ados gamers d’aujourd’hui qu’à ceux accros au cinéma sud-coréen et ses virages narratifs. L’impression d’avoir trouvé la bonne formule pour renouer avec un divertissement populaire haut de gamme est d’autant plus vibrante dans une époque où justement le cinéma français en a besoin pour venir à bout d’une crise des entrées. La chose n’est peut-être pas perdue, si Gans a toujours du mal à monter ces projets, il n’a rien réalisé depuis 2014, et sa relecture tout aussi pop de La belle et la bête est attendue pour l’année prochaine,
Toutefois, le passif du réalisateur, notamment l’an dernier avec un Eiffel incapable de sortir d’un poussiéreux académisme ou l’apparition d’une affiche pour célébrer la fin de tournage vantant avant tout les moyens financiers mis sur le retour de D’Artagnan et Milady, laissant penser à un argument de vente forcée, ne sont pas rassurants. On verra bien, à sa sortie en 2023, si cette superproduction a tiré les leçons du Pacte des loups. En attendant on peut donc revoir cet inattendu film laboratoire, récit d’aventure sur comme derrière l’écran.