Un teen-movie à l’ombre des palmiers des açores réveille le cinéma d’auteur portugais.
Le Portugal c’est aussi une île. Claudia Varejao y tient jusque dans le prologue de Loup & Chien, où il a clairement énoncé que c’est le meilleur type de territoire pour parler d’identités en construction. Donc celles d’Ana et Luis qui n’ont jamais quitté Sao Miguel, petit bout des Açores, endroit paradisiaque, mais perclus d’immuables traditions. Pas l’endroit rêvé donc pour épanouir ou assumer son homosexualité. Pour autant, Loup & Chien n’est pas une histoire de coming out. Varejao cherche plutôt à donner des couleurs à des zones grises, à un entre-deux dont il n’est jamais simple de se dépêtrer. Il est clairement question ici de cohabitation, entre les rituels et la modernité, les urgences de la jeunesse et un environnement en dehors du temps. Jusqu’à ce fond mi-docu renforcé par le passif de la réalisatrice et l’emploi d’acteurs non-professionnels réels habitants de l’île, ou ce titre, référence à un poème du 16e siècle, mais révélateur des difficultés très actuelles d’être soi. Voire cette image numérique, donc très contemporaine qui recherche pourtant le grain de la pellicule à l’ancienne.
Mais est-ce qu’en suivant deux ados dans leurs désirs, Loup & Chien montre les crocs ?
Non. Et c’est ce qui fait la beauté de ce film : cette volonté de ne pas être dans l’antagonisme à tout prix. Conforter la possibilité d’une éventuelle harmonie, d’un terrain d’entente entre valeurs conservatrices et envies de libertés. Ce qui s’incarne à l’écran dans une atmosphère fuyant autant que possible l’agressivité, lui préférant une humeur étonnante de teen-movie hypnotique, sa combinaison de somptueuses images rêveuses et de personnages volontaristes pour s’affirmer dopant un cinéma portugais d’auteur souvent assoupi dans sa part contemplative. Le tout conférant des airs inédits de chronique de mœurs par un Pasolini sous Saudade, par son principe de voyage intérieur, mais pour ne plus être son propre touriste, son esquisse d’une nature humaine adoucie, mais protégeant sa part de désir animal. Entre loup et chien, espèces différentes, mais finalement si proches, donc.
En salles le 12 avril