Les deux films inaugurant un copieux tir groupé de films français s’attaquant au politique annoncent un vrai programme : ouvrir enfin de vrais débats.
Sans risquer la marge d’erreur des sondages du moment, il n’y a grand risque à décréter que la campagne présidentielle 2022 est d’une sidérante médiocrité. Mais quel que soit son résultat, elle aura au moins été bonne à une chose : jamais le cinéma français ne s’est autant emparé de la politique que cette année. D’ici à la fin du printemps va débarquer sur les écrans une salve particulièrement copieuse de films prenant très frontalement en compte cette question. Pour la plupart ce sont des documentaires, beaucoup ayant le rouge colère au front et bien sûr le gilet jaune, mais ce tir nourri lâche ses deux premières grosses cartouches aujourd’hui en se posant aussi la question de la fiction.
D’abord d’une manière surprenante dans Municipale où Thomas Paulot envoie un véritable comédien dans une petite ville des Ardennes pour s’y présenter candidat à la mairie, tout en indiquant aux habitants que s’il vient construire un vrai programme, il n’y aura pas de mandat puisqu’il n’est qu’un acteur et non un politicien. Sauf que les habitants commencent à vraiment se prendre au jeu. Municipale interroge du coup formidablement ce qu’est devenu la politique politicienne aujourd’hui entre coups de communication et projets fantoches.
Dans les salles d’à côté, il y a Les promesses, film qui s’assume pleinement comme une fiction, mais particulièrement en phase avec le réel. Isabelle Huppert et Reda Kateb y forment un inattendu duo de maire et directeur de cabinet dans une ville du 9.3. Elle s’apprête à passer la main et ne pas rempiler avant d’y retourner, meurtrie de ne pas avoir récupéré le poste de ministre qui lui était promis. On passera sur des péripéties autour d’un marchand de sommeil qui entretiennent la flamme du scénario pour s’attarder sur les braises qui chauffent Les promesses : montrer l’action politique dans ce qu’elle a de concret, ne pas être tant dans les coulisses du pouvoir que dans la confrontation entre les ambitions personnelles et celles de réellement faire bouger les lignes, le flou entre l’ego et le légal, les limites de l’éthique et le toc d’une parole qui ne vaut plus grand-chose.
Pour autant Municipale comme Les promesses ne sont pas là pour entériner le refrain du tous pourris. Plutôt de profiter de la force des faux-semblants du cinéma pour aller toucher une autre vérité, celle des territoires et des populations aux pieds ancrés dans le concret face au hors-sol des candidats. Sans avoir à tracter pour un parti ou un autre, ces deux films ravivent avec des nuances qui ont été englouties par les communicants, les petites phrases et les polémiques sans intérêt, les attentes des citoyens envers la classe politique. Mine de rien, ce double porte-voix d’une classe prolétaire, ouvre enfin de vrais débats, bien plus exigeants que les gesticulations médiatiques des authentiques candidats plus proches désormais d’influenceurs YouTube que de votes. On en a encore entendu il y a peu certains, faire leur cinéma en citant Bac Nord en appui de leur programme sécuritaire. Pour éviter de se prendre en pleine poire la très possible déflagration de l’abstention en avril prochain, ceux-là, comme les autres, seraient plus avisés d’aller voir Municipale et Les promesses, films aussi remontés que lucides, pour avoir un réel instantané de ce qui est en train de se jouer.
Municipale / Les promesses. En salles le 26 janvier.