On vous offre des places pour aller voir « Neige », le film culte de Jean-Henri Roger et Juliet Berto.
Au début des années 80, on ne faisait pas des boules avec la neige, mais on se la fourrait dans le nez. Dans le Nord de Paris, de Pigalle à Barbès, c’est comme ça qu’on appelait la cocaïne. Elle et d’autres drogues faisaient partie des murs du coin, étaient presque des résidentes de ces quartiers qui n’avaient encore aucune idée de ce qu’était la gentrification. A l’époque, ils sont encore une sorte de cour des miracles du XXe siècle; à la fois à la marge et communauté prolo solidaire. Le cinéma français d’alors s’y est souvent intéressé, notamment du côté du polar, de La Balance à Diva, souvent pour s’y encanailler. Moins pour réellement filmer cette faune dans son décor naturel.
Juliet Berto, actrice chez Rivette ou Godard en a fait sa propre nouvelle vague de réalisatrice avec Neige, premier long-métrage se souvenant du réalisme poétique des dialogues Prévert et Carné tout en observant des corps contemporains. Du cinéma qui bat le pavé, renoue avec une galerie de personnages gouailleurs, qu’ils soient barmaid, travelo, curé ou dealer. Le cadre, ce 18e arrondissement côté Goutte d’or fera office de naturalisme, la fiction autour du quotidien et de ses petits trafics s’y adapte, d’une poursuite dans un magasin Tati à un flinguage d’une fête foraine toute en néon.
Neige est un film qui prône le mélange, entre patronnage d’acteurs d’avant comme Eddie Constantine ou Raymond Bussières et nouvelles trognes, celles de Jean-François Balmer, Jean-François Stévenin ou même Bernard Lavilliers voire Berto valsant entre devant et derrière une caméra, partagée avec Jean-Henri Roger, son compagnon. Quarante ans après sa sortie initiale, Neige a forcément un goût de cinéma disparu, un peu unique – le second et dernier film de Berto, Cap Canaille, racontera déjà autre chose, aura perdu de ce regard à la fois franc, sans aucun second degré, essayant de capter ce qui subsistait encore de lumière et de chaleur dans ces années 80 qui ne tenaient déjà plus leurs promesses.
Vu d’aujourd’hui, Neige sidère par cette capacité à se fondre dans la masse, du vrai cinéma immersif qui continue à baigner dans un jus qui manque au cinéma français actuel. Tout comme Berto et Roger, morts et enterrés depuis longtemps. Neige est aujourd’hui déterré d’années d’invisibilité en salle, mais toujours aussi immaculé.
Ressortie le 5 janvier.
Pour l’occasion, on vous offre des places.
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