On attrape notre casque à cornes et une chope d’hydromel pour vous parler d’aventures viking avec « The Northman ».
Il sera intéressant un jour de se pencher sur la sorte de malédiction qui pèse sur les films de vikings faits par des réalisateurs américains. Régulièrement, on a vu des cas de projets super excitants autour d’épopées revenant sur ces guerriers nordiques. Donnant à l’arrivée non pas des films ratés, loin de là, mais claudicants, jamais vraiment à la hauteur de leurs auteurs.
Ainsi, il faut se souvenir du 13e guerrier de John McTiernan, qui aurait pu être à ce registre ce que son Piège de cristal avait été au blockbuster d’action. Si le romancier Michael Crichton n’avait pas remonté le film dans le dos du cinéaste. Il y avait aussi le projet extravagant nourri par Mel Gibson, celui d’une saga nordique qui aurait été parlée en véritable langue viking. Avant de l’abandonner faute de financement, malgré la présence prévue de Leonardo DiCaprio au casting. Aujourd’hui, c’est au tour de Robert Eggers de s’attaquer à cette mythologie avec The Northman.
Après deux premiers films décapants, The witch et The Lighthouse, revisites dérangées du monde de la sorcellerie ou de la folie selon Lovecraft, Eggers est allé dégotter non seulement la légende nordique qui allait plus tard inspirer Hamlet à Shakespeare mais s’est entiché d’un savoir encyclopédique sur les tribus vikings.
The Northman promettait de rallier à la fois un divertissement épique à la Conan le Barbare, mais aussi d’être traversé de visions folles, entre chevauchée de valkyries et rituels de possessions chamaniques. Tout ça est encore un peu là à l’arrivée. Mais la trajectoire s’est heurtée à la transition entre un cinéma indépendant et une production de studio hollywoodienne. La seconde ayant visiblement imposé ses impératifs de rentabilité, sur une fresque qui aurait dû être plus baroque, plus intransigeante.
Mais alors pourquoi faudrait-il aller voir The Northman ?
Simplement parce qu’en dépit ses luttes économico-intestines, visiblement plus dantesques que le film en soi, The Northman a conservé de fantastiques éclats. Même s’ils ne sont que sporadiques. Mais aussi, parce que la croisade furibarde d’un prince déchu pour venger son père, est doublée de celle pour une foi en un cinéma à grand spectacle, porté disparu.
Il y a quelque chose ici d’organique, voire d’incarné, qui place The Northman bien au-dessus du cinéma d’aventure américain actuel, déshydraté par les effets spéciaux. The Northman a quelque chose qui lui redonne chair (et sang). Même si cette quête du Valhalla est freinée par la vision précautionneuse d’un studio, elle a des airs de baroud d’honneur, démesuré et lyrique. On peut appeler ça un beau geste. Mais aussi y voir un dernier bout de paradis perdu qui lui aussi, risque de n’être bientôt plus qu’une glorieuse mythologie de cinéma si ce type de projet hors normes n’est pas un minimum soutenu.