Le classique créole raconté par Sénami Juraver.
Le Classico de Néo Géo, qui permet de redécouvrir chaque semaine une chanson emblématique de l’histoire des musiques actuelles, s’oriente aujourd’hui vers le classique zouk « A si Paré », magnifié par Edith Lefel et Malavoi. En ce mois du créole dans de nombreux pays des Caraïbes et de l’Océan Indien, avec le 27 octobre la Journée Internationale du Créole, Sénami Juraver nous a rejoint avec un Classico, en créole !
« A si Paré » a été écrit et composé en 1930 par la chanteuse martiniquaise Léona Gabriel, l’une des voix incontournables de la biguine. Elle naît à Rivière-Pilote, en Martinique, en 1891. Très vite, sa voix pleine de gouaille séduit le public. Au début des années 1920, elle émigre à Paris où, une fois de plus, son charme opère. Elle rejoint l’orchestre Alexandre Stellio, un compatriote qui fait partie de ces musiciens qui ont rendu la biguine célèbre pendant l’entre-deux-guerres. Léona va enregistrer de nombreux disques avec lui sous le pseudo « Mlle Estrella ». On lui doit notamment des standards comme « La grèv barré mwen », « Ami Roro » ou encore « Maladie d’amour », repris par son neveu Henri Salvador.
« A si Paré », notre classico du jour, est l’histoire d’une femme trahie qui s’adresse à son compagnon : « à ce qu’il paraît, je ne suis plus belle, j’ai toujours travaillé pour te donner ce que tu voulais, mais aujourd’hui tu veux me quitter pour une autre / Je prendrai soin de notre enfant / Je paierai le loyer à ta place ; mwen sé kreyol mwen ni kouaj ! Je suis une antillaise, j’ai du courage ».
La particularité de la biguine est d’être une chronique sociale. « A si Paré » parle d’une femme blessée mais digne. C’est une proclamation d’indépendance, un portait de femme potomitan, qui est au centre du loyer, de fanm doubout, qui sait faire face à l’adversité.
Ce titre a été repris par la martiniquaise Lola Martin en 69. Plus récemment, en 2017, le souffleur polyinstrumentiste canadien d’origine haïtienne Jowee Omicil en a fait une interprétation très jazzy sur l’opus Let’s Bash.
Et entre ces deux versions, il y a celle d’Edith Leffel et de Malavoi de 1996, qui a été un énorme succès aux Antilles et qui a donc permis de populariser le morceau.
Malavoi est connu pour ses collaborations avec de jeunes talents, qui sont devenus depuis les grandes voix de La Caraïbe, comme la regrettée Edith Lefel. C’était une artiste engagée, comme l’atteste cette reprise présente sur son troisième album Rendez-Vous.
Malavoi, en concert dans le cadre du Festival Villes des musiques du monde.
Un texte issu de la chronique de Sénami Juraver pour Néo Géo.