La très grande saga de Radio Nova racontée par celles et ceux qui l’ont vécue et ambiancée à l’antenne ou dans la savane.
Parfois la pêche est miraculeuse. En 2002, le « mariage forcé » de deux chenapans de la bande FM, Marc-Alexandre Millanvoye et Tania Bruna-Rosso, aboutit à la création d’une petite entreprise d’interviews, de détournements conceptuels et de vacheries « potaches et pointues » qui, pendant deux ans, ne connaît pas la crise. Leur émission quotidienne de fin d’après-midi, Work in progress, progresse et travaille à devenir incontournable chez les branché·e·s parisien·ne·s, comme une auberge espagnole où l’apéro démarre à dix-sept heures. Attrape-les si tu peux.
Le 21 avril, un autre sentiment est en progrès : la xénophobie. Pour la première fois, un parti d’extrême-droite arrive au second tour des élections présidentielles françaises. Pendant deux semaines, des milliers de personnes manifestent contre les idées du Front National, qui ont su séduire 4,8 millions d’électeurs. En réaction, jusqu’à la fin de la saison, Antoine Blin part chaque jour en reportage pour tenter de comprendre, auprès d’anciens soixante-huitards ou le temps d’une soirée de bouclage à Libé, la gauche déboussolée et les questions démocratiques en jeu. Chirac est réélu avec un score de despote, tandis que Marc H’Limi, au service de Nova depuis le mitan des années 80, devient directeur des programmes. Malicieux comme Le Chat du rabbin, Jean-Pierre Lentin & Ariel Kyrou racontent la grande histoire des musiques électroniques, quelques mois avant la mort de Joe Strummer, dont le cœur clashe. On se passionne pour la vie d’une famille de croque-morts dans la série Six feet under sur Canal Jimmy, alors que le sociologue Pierre Bourdieu perd son combat contre la faucheuse et franchit le boulevard du crépuscule la même année que le cinéaste Billy Wilder – tout comme Sextoy, icône techno tatouée d’une génération de femmes DJ. Le franc quitte nos poches au profit de l’euro et le grand public découvre les battles hip hop via 8 mile avec Eminem dans son propre rôle. Au même moment, une improvisation d’Edouard Baer en scribe égyptien, perdu sous les pyramides de l’adaptation d’Astérix par Alain Chabat aux 14 millions de spectateurs devient instantanément culte.
C’est une bonne situation, ça, stagiaire ?, pourrait-on demander à Mélanie Mallet, 20 ans, qui assiste Philippe Vecchi et Aline Afanoukoé dans la préparation du Nova Club, de 20h à 22h, comptant parmi ses chroniqueurs une certaine Alessandra Sublet, tout en recevant aussi bien les ambassadeurs du Groland que les stars du X. Embrassez qui vous voudrez. Dix-huit ans plus tard, Mélanie deviendra la patronne de la station, en passant par ce poste-clé : le standard. Allô ? Excusez-moi, d’où vient cet incroyable pianiste nommé Gonzalez qui invite Feist et Guesch Patti à chanter le même refrain dans deux langues différentes, en simultané ? Et Kung-fu fighting dans La Cité de Dieu du Brésilien Fernando Meirelles, c’est cool, não ? Tant que j’y suis, pourriez-vous remettre la balade de cette jeune chanteuse, Camille, dans laquelle elle affirme en sautillant qu’elle veut se barrer de Paris ?
Réalisation, mixage : Emmanuel Baux.