La très grande saga de Radio Nova racontée par celles et ceux qui l’ont vécue et ambiancée à l’antenne ou dans la savane.
Dans son livre Vaudou & compagnie, histoires noires de Abidjan à Zombies, Bizot écrit : « Je voudrais ici rendre hommage à Jean Rouch qui m’a, le premier, immergé dans le monde africain quand j’avais vingt-cinq ans et des clichés à en boucher le nez. Jean Rouch m’a fait toucher l’histoire vivante de l’Afrique, de ses peuples, ses royaumes et ses empires. » Pionnier du cinéma ethnographique, auteur d’une centaine de films (au cœur d’une secte ghanéenne, chez les chasseurs de lion, ou les danseurs dogons du Mali), Jean Rouch meurt au Niger en 2004 au cours d’un accident de voiture, de nuit. C’est aussi la nuit qu’Aline Afanoukoé reçoit, éclairée à la bougie, dans son cabinet de curiosités musicales intitulé Novamix, un tout nouveau duo parisien, Justice – qui vient de remixer Simian et ne sera plus jamais seul. Leur électro qui tabasse, pop et brutale, au succès phénoménal en queue de comète de la French Touch, va s’affirmer comme l’un des repères esthétiques de la décennie, comme d’autres productions du label Ed Banger tout récemment monté par Pedro Winter, manager de Daft Punk. Sur Nova, on joue également l’obsédante Ritournelle de Sébastien Tellier, les bricolages funkys-dub de Sporto Kantès (Yo Leeroy!), ou la bossa lumineuse du Brésilien Seu Jorge, embauché par Wes Anderson pour reprendre Bowie dans le sous-marin loufoque de La vie aquatique.
Dans le grand bain de cette année-là, deux hommes sont mariés à Bègles par un élu de la République alors que la loi ne le permet pas encore. Un étudiant de Harvard crée avec quelques camarades un réseau informatique fondé sur le principe du trombinoscope, baptisé « Facebook ». Le Hong-Kongais Tony Leung joue un écrivain qui se souvient de ses histoires d’amour dans le somptueux 2046 de Wong Kar-wai, tandis que Jim Carrey efface de sa mémoire sa rencontre avec Kate Winslet dans Eternal sunshine of the spotless mind, réalisé par le Français Michel Gondry.
Pendant ce temps, Nova Mag publie son dernier numéro et de nouvelles recrues (Isadora Dartial, Franck Haderer, Liz Gomis, Emilien Aumard) viennent grossir les troupes de la station, qui se structure autour d’une véritable grille des programmes pensée comme « un bug sur la bande FM » avec mission de « perturber » le ronron des ondes, dixit Antoine Blin, réalisateur et co-animateur de la matinale avec Emmanuel Gouache et qui, par exemple, couvre pendant deux semaines une (vrai) course de dromadaires dans le désert tunisien. Le tout, en ouvrant leur refuge à une jeune chroniqueuse, Mathilde Serrell, qui cause activisme et désobéissance civile. Un nouveau module surgit quatre à cinq fois par jour, sur une idée de Marc H’Limi : le Sonar, collage sonore quotidien sur l’actualité politique et sociale, sans aucun commentaire. S’intercalent également des tops horaires gouailleurs, qui dureront quasiment vingt piges, fabriqués à partir de la collection de vieux films de Jean Croc. Le seul moyen de passer le temps, c’est de jouer à la roulette russe. Mais l’événement de notre antenne, c’est la création d’un programme qui servira de vitrine à notre antenne pendant dix-huit ans, d’abord à Paname puis à travers la France : Les Nuits Zébrées, concerts gratuits à haut potentiel de transe collective, limite vaudoue, qui démarrent à la Scène Bastille, animées avec flamme par Aline, produites par Ruddy Aboab, sur une intuition originale de Marca.
Réalisation, mixage : Mathieu Boudon.