La très grande saga de Radio Nova racontée par celles et ceux qui l’ont vécue et ambiancée à l’antenne ou dans la savane.
En juin 2008, un incendie se déclare par accident dans un arrière-studio d’Universal à Hollywood. Pendant douze heures, plus de cent mille bandes analogiques sont détruites, emportant des originaux de Snoop Dogg, Ella Fitzgerald, Nirvana, Yma Sumac, R. E. M., Al Green, Burt Bacharach, les Who, Billie Holiday ou Sonic Youth. Le New York Times déplore « le plus grand désastre de l’industrie musicale ». Vivre le deuil de quelqu’un, d’un collègue et ami à l’intelligence goguenarde, puis d’un chef gourmand aux idées magiques, est-ce comme voir… brûler une bibliothèque – selon la formule de l’écrivain malien Amadou Hampâté Bâ à la tribune de l’Unesco, re-tricotée par son confrère américain Edmund White ? Lentement mais sûrement, Nova « se relève de ses morts », comme dit Mathilde Serrell, en fredonnant ce blues sans âge de Moriarty, menés par Rosemary Standley, qui se souvient d’un vieux buffle nommé Jimmy. Mathilde insiste aussi, dans cet épisode, sur la finesse de la sélection musicale de Max Guiguet et Emile Omar, programmateurs diggers de pépites : la cumbia revisitée par l’Anglais et Colombien d’adoption Quantic, le spleen long-courrier d’un barde du Nouveau-Mexique au pseudo de capitale libanaise (Beirut), le groove politisé de l’Anglo-Pakistanaise M. I. A., le retour soul de Sharon Jones & ses Dap-Kings, la pop afro des blancs-becs bon teint de Vampire Weekend ou les harmonies d’un fils de pasteur jamaïcain, Winston McAnuff, qui réveilla notre première Nuit Zébrée marseillaise. Pendant ce temps, Gilles Peterson ambiance des soirées cubaines et introduit RKK au clubbing, en tant que DJ-bientôt-star à bretelles. Notre bande-originale.
Entre nos murs, alors que la Palme d’Or revient cette année-là à Laurent Cantet pour son portrait d’une classe de collège parisien réputée difficile, on parle pas mal de cinéma. Du fond crémeux de leur émission dominicale baptisée Le Pudding qui durera quinze ans, Jean Croc et Nicolas Errera reçoivent John Malkovich, pour savoir ce qui se passe dans sa tête. L’année de sortie du premier Iron Man, qui lance la domination régressive de « l’univers Marvel » appelée à phagocyter la pop-culture mondiale, notre critique Alex Masson salue la puissance d’un premier long-métrage produit par Kassovitz, Johnny Mad Dog de Jean-Stéphane Sauvaire, adapté d’un roman d’Emmanuel Dongala sur les enfants-soldats. Agnès Varda manque de tomber d’un bateau en excès de vitesse par notre faute, Jean-Claude Van Damme évoque ses parents en discothèque et… on réécoute avec chagrin les messages que Guillaume Depardieu laissait sur notre répondeur, dont celui-ci : « Je vous appelle en direct de ma solitude, si soudaine et si prévisible. Et je compte sur vous tous pour mettre un peu de SANG dans vos textes, dans vos films, dans vos espoirs, dans vos cris, dans vos rires – s’il en reste. »
Yes we can! Barack Obama devient le premier président noir des Etats-Unis. Des espoirs, il en reste. Dans Le Monde de Demain, bulle d’anticipation poursuivant sa voie l’année de la triomphale reformation du Suprême NTM, Antoine Blin se projette chaque matin dans le futur, le temps d’un flash info qui exacerbe les préoccupations du moment (enfermant la société dans une épidémie « de grippe folle » avec protections d’hygiène encadrées par l’Etat, non mais vraiment, n’importe quoi). Bref, notre radio « bordélastique » tient toujours debout.
Réalisation, mixage : Emmanuel Baux.